L’accord de libre-échange (TEPA – Trade and economic partnership agreement) entre l’Inde et les États membres de l’AELE – Norvège, Islande, Liechtenstein et Suisse – marque une étape importante dans les relations commerciales entre ces parties. Après 21 cycles de négociations sur une période totale de 16 ans, ces quatre petits États européens se sont engagés à investir 100 milliards de dollars en Inde, créant ainsi un million d’emplois dans les 15 ans à venir. En contrepartie, l’Inde supprimera ses droits de douane considérables sur 95,3 % des importations commerciales, à l’exclusion de l’or, de manière immédiate ou échelonnée dans le temps. L’accord a été signé le 10 mars 2024 et pourrait entrer en vigueur dès l’automne 2025.
L’Inde est considérée comme l’une des grandes économies mondiales à la croissance la plus rapide et, avec 1,428 milliard d’habitants, elle a devancé la Chine pour devenir le pays le plus peuplé du monde en avril 2023. La croissance économique en 2023 a été de 8,4 % et le pays devrait continuer à connaître une croissance économique moyenne de 6 à 9 % à l’avenir. Pour les entreprises suisses, l’accord facilitera l’accès à cet énorme marché, sur lequel sont déjà actives plus de 300 sociétés suisses telles que Nestlé, Holcim, Sulzer et Novartis.
À l’échelle mondiale, la Suisse et l’Inde ne sont pas des partenaires commerciaux majeurs, et leurs échanges bilatéraux s’élevaient à environ 17,7 milliards de CHF en 2023. La Suisse exporte principalement des métaux précieux, des machines et des produits pharmaceutiques et chimiques vers l’Inde, et importe majoritairement des produits chimiques, des textiles, des métaux précieux et des produits agricoles.
Le SECO estime toutefois que la suppression des droits de douane élevés appliqués par l’Inde entraînera des exportations supplémentaires de l’ordre de 170 millions de francs par an. Des secteurs tels que les infrastructures, la construction, les produits de luxe, la numérisation, les technologies propres et l’électromobilité devraient bénéficier de cet accord. Mais les fabricants suisses de machines-outils, de montres, de chocolat, de produits pharmaceutiques et médicaux pourraient également bénéficier d’un accès plus facile au marché et de droits d’importation moins élevés pour faire face à la concurrence.
Enfin, l’Inde offre à de nombreuses entreprises la possibilité d’adopter une « stratégie Chine + 1 » et de réduire ainsi leur dépendance à l’égard de la Chine.
De nouvelles opportunités se profilent également pour l’économie suisse dans le secteur des services. Les prestataires de services financiers suisses bénéficieront de délais clairs et transparents pour l’octroi des licences. En outre, la part autorisée de capitaux étrangers dans le secteur des assurances sera portée à 49 % et dans le secteur bancaire de 51 % à 74 %. L’Inde s’engage également à autoriser le personnel chargé de l’installation et de l’entretien des machines à séjourner dans le pays jusqu’à trois mois par an.
Un autre aspect important de l’accord concerne la protection de la propriété intellectuelle. Des améliorations ont été apportées dans les domaines du droit des brevets, des procédures en matière de brevets et de la protection du « Swissness », la « marque Suisse ». Cependant, des inquiétudes subsistent quant au fait que certains aspects outrepassent les normes de l’Organisation mondiale du commerce et pourraient affaiblir la protection contre les brevets abusifs.
La totalité des droits de douane sera supprimée pour 84,6 % des exportations suisses à l’expiration des périodes de 0 à 10 ans prévues pour leur suppression. En outre, 10,1 % des exportations bénéficieront de concessions partielles, ce qui entraînera une réduction de 50 % des droits de douane assortie de périodes de transition pouvant aller jusqu’à 10 ans. Certains secteurs tels que les produits laitiers, le soja, les produits agricoles sensibles et surtout l’or restent exclus de l’accord.
Certaines incertitudes découlent des règles d’origine sur l’importation des produits en provenance de pays liés par des accords de libre-échange (CAROTAR – Customs Administration Rules of Origin under Trade Agreements). Ces règles spéciales en matière d’importation, que l’Inde a introduites en 2020, exigent des importateurs indiens qu’ils prouvent l’origine des marchandises importées en présentant des documents qui, dans certains cas, dépassent l’attestation d’origine prévue par le TEPA pour l’exportateur de l’AELE. En outre, l’Inde est un pays complexe avec des différences significatives entre les régions dont il faudra également tenir compte dans le cadre des futures opérations.
Dans l’ensemble, l’accord de libre-échange entre l’Inde et l’AELE représente une opportunité pour les entreprises suisses d’ouvrir de nouveaux marchés, de réduire les barrières commerciales et d’établir des partenariats à long terme dans l’une des zones économiques les plus dynamiques du monde. L’accord de libre-échange devrait entrer en vigueur à l’automne 2025, une fois le processus de ratification achevé, à moins qu’un référendum ne soit lancé.
Dans notre prochain article, nous examinerons de plus près les défis posés par ce nouvel accord en insistant sur les points que les entreprises suisses doivent prendre en compte.
Vous trouverez l’enregistrement de notre webinaire du 14 mai 2024 consacré au TEPA en cliquant sur ce lien:
Christina Haas Bruni