Gros plan : Les nouveaux modèles d’entreprise

Agents fiduciaires et externalisation de services de PME

Brigitte Zulauf
Associé, Conseil fiscal et juridique

Depuis des années, les PME travaillent régulièrement avec des agents fiduciaires. Face à l’émergence de nouveaux modèles d’affaires et à la tendance à l’externalisation de fonctions administratives, le rôle des sociétés fiduciaires traditionnelles évolue. Certaines se sont spécialisées dans la gestion et l’exploitation de fonctions financières, de systèmes informatiques et de processus de services intégrés.

Toujours fidèle au poste, l’agent fiduciaire classique gère la comptabilité pour ses clients en recueillant les justificatifs rassemblés durant l’année, comptabilise les transactions ainsi documentées et établit les comptes annuels. Il prodigue des conseils fiscaux, remplit la déclaration d’impôt et apporte son soutien pour la rédaction des contrats de travail. Il conseille aussi ses clients dans les questions d’évaluation de l’entreprise et de succession.

Mais cette image de la profession évolue. De nombreux clients souhaitent confier aux sociétés fiduciaires non seulement leurs travaux de comptabilité, mais également tous les processus financiers y afférents. Ils veulent être raccordés directement aux systèmes informatiques. Ces activités constituent désormais le cœur de métier des agents fiduciaires. Les clients cherchent en outre des moyens de se décharger d’autres tâches administratives, en particulier dans le domaine des ressources humaines, qui comporte de nombreuses obligations entraînant une charge importante de travail.

Outre l’externalisation [1], la délocalisation [2] est également en vogue. C’est ainsi que certaines entreprises suisses de taille moyenne peuvent confier la gestion de leurs obligations découlant des livraisons et prestations à un centre de services partagés (CSP) [3] en Pologne, ou le décompte des frais à une société partenaire en Hongrie. L’expérience issue de projets alliant externalisation et délocalisation montre notamment que des processus de travail simples, qui présentent d’importants volumes de transactions à traiter, sont adaptés à un transfert dans un autre pays. Cela permet de réduire le nombre d’étapes de travail et de standardiser assez facilement les processus.

[1] Externalisation organisationnelle d’activités vers un partenaire externe à l’entreprise qui fournit les prestations externalisées en fonction de Service levels (niveaux de qualité des services) fixés contractuellement et à des coûts prédéfinis. L’externalisation signifie exclusivement que les services sont fournis par un partenaire qui ne fait pas partie de l’entreprise. Ce terme ne contient donc encore aucune information sur le site (national/international).

[2] Désigne le transfert géographique d’activités dans des pays éloignés et moins onéreux. L’externalisation vers l’étranger peut se faire dans une unité interne à l’entreprise ou vers un partenaire externe à l’entreprise (externalisation).

[3] Comprend tous les types de processus qui, au sein ou à l’extérieur d’une entreprise, sont traités et gérés par un organe central et bénéficient de ressources distinctes. L’objectif est de fournir des prestations (services) définies dans la qualité et au prix convenus. «Services partagés» signifie la suppression de processus communs répétitifs et donc l’affectation du personnel à des activités augmentant la valeur. Les centres de services partagés utilisent les économies d’échelle et les possibilités de rendre les processus plus efficaces.

Aspects variés des projets d’externalisation

Pour les PME cependant, les possibilités de déplacer les processus de services dans des pays lointains sont limitées. Contrairement aux grandes entreprises, la standardisation de nombreux processus des petites et moyennes entreprises reste insuffisante ou les quantités traitées sont trop faibles. En outre, de nombreux aspects doivent être pris en compte pour réussir une externalisation. Une externalisation des processus sans réaménagement parallèle et sans le recours à un système informatique moderne porte rarement ses fruits.

La plupart du temps, il n’est pas possible d’externaliser l’ensemble du processus, mais il est préférable de répartir le travail entre l’entreprise qui externalise et l’agent fiduciaire. ll faut donc définir les interfaces correspondantes.

Dans un premier temps, il faut analyser minutieusement les processus opérés en interne. Une telle analyse montre généralement que bon nombre de processus de travail, ordinaires à première vue, se révèlent en réalité très complexes. La plupart du temps, il n’est pas possible d’externaliser l’ensemble du processus, mais il est préférable de répartir le travail entre l’entreprise qui externalise et l’agent fiduciaire. ll faut donc définir les interfaces correspondantes.

Pour externaliser la gestion d’obligations découlant de livraisons et de prestations par exemple, il faut déterminer qui signe les factures entrantes, où elles sont rassemblées et scannées par voie électronique, et qui se charge de l’imputation. Par ailleurs, il faut définir à quels intervalles les cycles de paiement doivent se dérouler et jusqu’à quelle date ils doivent être préparés. L’organisation concrète de la nouvelle répartition du travail et la définition des interfaces entre le donneur d’ordre et l’agent fiduciaire/le CSP dépendent de nombreux autres paramètres, notamment des personnes bénéficiant d’un droit de signature. Le lieu et la personne en charge des paiements doivent être définis en tenant compte de processus «voisins», tels que la gestion de la trésorerie par exemple.

Une société fiduciaire qualifiée, qui exploitera les processus externalisés en tant que futur prestataire, apporte son savoir-faire pour l’automatisation et l’évaluation des solutions informatiques ainsi que pour l’agencement des processus et la documentation ou l’archivage. Mais elle contribue également à réduire les risques des deux parties prenantes. Avant de conclure le projet d’externalisation, il convient par exemple de répondre aux questions suivantes:

  • Toutes les mesures de sécurité prescrites et nécessaires sont-elles connues et appliquées par l’entreprise qui externalise et le CSP/l’agent fiduciaire?
  • Les exigences légales sont-elles respectées en matière de contrôle interne, de protection des données et de sécurité des informations? Par l’entreprise externalisante et par le prestataire?
  • Les plates-formes informatiques et le serveur sont-ils hébergés sur un site à l’abri des dommages physiques? Qui doit sauvegarder quelles données? Quand et où le faire? Combien de sauvegardes sont-elles nécessaires?

Une société fiduciaire intègre ne se contente pas de tenir à disposition une plate-forme informatique dotée de processus automatisés. Elle veille aussi à ce que le mandat de reprise du processus soit clairement formulé et documenté, et à ce que la plate-forme d’exploitation respecte les dispositions juridiques et réglementaires. La société fiduciaire exécute l’ordre du client de sorte que ses activités répondent aux normes d’un système de contrôle interne.

De plus, l’agent fiduciaire consciencieux pratique systématiquement la veille réglementaire, technologique et technique, afin d’informer son client des nouveaux développements en temps opportun et d’anticiper par des adaptations communes. Il génère ainsi une réelle valeur ajoutée. Il se démarque des prestataires de traitement de masse purement axés sur les processus et des entreprises technologiques qui se contentent d’exécuter ce que le client leur a demandé et ce qui a été défini au moment de la reprise des travaux. Car les PME externalisent justement certains de leurs travaux par manque de savoir-faire technique ou de ressources dans ces domaines.

L’agent fiduciaire consciencieux pratique systématiquement la veille réglementaire, technologique et technique, afin d’informer son client des nouveaux développements en temps opportun et d’anticiper par des adaptations communes.

Un agent fiduciaire sérieux insiste pour que, chez le client, une personne explicitement désignée continue d’assumer la responsabilité de fournir en temps utile et de manière régulière, exhaustive et exacte, les informations nécessaires au traitement des documents. Cette personne de confiance doit assurer parallèlement la fonction de hotline. À l’inverse, les contrôles de plausibilité de l’agent fiduciaire servent à épauler l’entreprise qui externalise dans la tâche importante qu’est la fourniture d’informations correctes.

Des processus du personnel complexes

Un exercice particulièrement complexe se pose aux fiduciaires dans le domaine des ressources humaines. Les spécialistes ont pour devise que seule la gestion stratégique des ressources humaines doit impérativement rester au sein de l’entreprise. Toutes les autres fonctions se prêtent en principe à l’externalisation. Parmi les activités typiques qui peuvent être externalisées figurent la préparation et l’administration des contrats de travail, la rédaction de certificats de travail et la gestion de la comptabilité des salaires ainsi que les échanges y afférents avec les autorités et les assurances.

Pourtant, l’externalisation du traitement des salaires (payroll) n’est pas sans poser problème. D’une part, il faut tenir compte du niveau de protection élevé des données des collaborateurs, conformément aux prescriptions en vigueur en Suisse. D’autre part, il existe dans notre pays environ 160 lois et ordonnances officielles qui, d’une façon ou d’une autre, exercent une influence sur le travail du personnel. Compte tenu de la multitude de normes, la situation juridique est en mouvement perpétuel. Citons en particulier le droit fiscal et des assurances sociales, les dispositions sectorielles ainsi que le droit du travail et du contrat de travail. Seul un prestataire familier de cette jungle de prescriptions peut observer et évaluer systématiquement les changements juridiques, en tirer les conclusions nécessaires pour l’organisation des processus, et mener un dialogue sur ces évolutions avec l’entreprise externalisante. Idéalement, il utilise pour cela un système informatique capable de couvrir le plus grand nombre possible de calculs et d’évaluations spécifiques afin d’éviter à l’entreprise qui externalise de payer des adaptations et extensions de logiciels onéreuses à chaque changement.

La situation est encore plus compliquée lorsque des rapports de travail spéciaux sont en jeu. Voici quelques exemples:

  • Quelles sont les exigences financières pour l’employeur et l’employé dans le cas du travail sur appel?
  • Qui est autorisé à travailler à titre d’indépendant et qui doit être employé dans le cadre d’un contrat de travail?
  • Dans un échange de main-d’œuvre entre entreprises, quand le travail temporaire s’applique-t-il et quelles sont les conséquences réglementaires qui en découlent?
  • Dans une région frontalière, comment calculer les cotisations sociales d’un collaborateur étranger à temps partiel s’il exerce une autre activité dans le pays voisin?
  • Comment un employé est-il correctement couvert selon le droit des assurances sociales s’il part travailler à l’étranger pendant huit mois? Cet engagement à l’étranger entraîne-t-il aussi des conséquences en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d’imposition de l’entreprise?

Seules des sociétés fiduciaires disposant de connaissances globales de ces problèmes complexes sont en mesure de répondre à ce type de questions. Et c’est cela, au final, qui fait la différence dans la prise en charge.

Conclusion

L’image du métier de fiduciaire évolue. Si tous les membres de cette profession ne suivent pas cette tendance, certaines grandes entreprises du secteur fiduciaire se sont d’ores et déjà établies en tant que prestataire de processus de services externalisés. Leurs clients souhaitent se décharger des processus administratifs chronophages et rationaliser les fonctions financières répétitives en les confiant à un Centre de services partagés (CSP). Ce faisant, il s’agit souvent moins de faire des économies que de tirer parti de manière ciblée de l’expertise technique et juridique de spécialistes ainsi que de leurs compétences en matière de processus.

Les sociétés fiduciaires intègres qui se chargent de processus externalisés proposent bien plus que des plates-formes électroniques. En plus de fournir du savoir-faire et des connaissances spécialisées, elles veillent notamment aussi à la gestion des risques des processus externalisés. Pour l’entreprise qui externalise, un principe s’applique: «externalisé» ne doit pas signifier «loin des yeux, loin du cœur». Les relations entre le fiduciaire et son donneur d’ordre fonctionnent bien si ce dernier désigne un interlocuteur responsable de la bonne collaboration avec le prestataire, en lui fournissant les informations nécessaires.

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