Le commerce international est de plus en plus marqué par l’avènement des accords de libre-échange (ALE), le dédouanement électronique des marchandises et les contrôles et règlementations à l’exportation. Pour maintenir leur compétitivité, les entreprises doivent se doter d’une stratégie globale qui intègre dans leur chaîne de valeur toutes les activités liées à la douane et au commerce – en particulier à travers l’informatisation des processus.
Les négociations sur l’accès au marché ont constitué la pierre angulaire de la fondation de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) en 1996. Or depuis lors, aucun accord international majeur portant sur le commerce des marchandises au niveau multilatéral n’a vu le jour. D’un autre côté, entre 2000 et 2015, le nombre d’ALE bilatéraux ou régionaux a pratiquement doublé dans le monde. Cette hausse significative des accords bilatéraux entre parties intéressées est une conséquence directe de la stagnation des négociations de l’OMC. La libéralisation des échanges mondiaux s’accélère avant tout au niveau bilatéral, et ce phénomène n’est pas près de s’arrêter.
À la fin des années 90, seules quelques administrations douanières disposaient de systèmes de dédouanement électroniques. À peine vingt ans plus tard, les progrès technologiques et les exigences sécuritaires issues des attentats du 11 septembre ont rendu inconcevable de ne pas avoir recours au dédouanement électronique pour accomplir les formalités et procédures de passage de la frontière. Un environnement douanier et commercial sans papier s’est imposé comme une norme.
Mais le développement des échanges commerciaux et des technologies entraîne des risques. Les réglementations et les contrôles liés à l’exportation constituent l’un des principaux obstacles – si ce n’est le principal obstacle – auxquels les opérateurs économiques sont confrontés de nos jours. Ces exigences poursuivent des objectifs louables − la préservation de la santé, de l’environnement ou de la sécurité nationale, par exemple – qui laissent cependant les entreprises face à des défis de taille en ce qui concerne leur en œuvre. Avec l’intensification des échanges commerciaux internationaux, ces réglementations sont devenues un outil de prédilection des gouvernements pour imposer des sanctions politiques et lutter contre la prolifération des armes. Les entreprises sont donc contraintes de respecter un nombre croissant d’embargos, de sanctions internationales et de règles sur les biens à double usage et militaires, afin de garantir leur conformité et d’éviter de lourdes pénalités.
Ces trois grandes tendances que sont le commerce préférentiel, le dédouanement électronique et les réglementations à l’exportation continueront de façonner le commerce international et la manière dont les entreprises aborderont leurs activités douanières au cours des prochaines années.
Comment s’en sortir dans la «jungle» du commerce international?
Si «jungle» il y a, elle abrite autant de risques à contrôler que d’opportunités dont il est crucial de pouvoir profiter, afin de défendre sa position sur les marchés.
Tirer parti des accords de libre-échange
Premier partenaire économique de la Suisse, l’UE applique des droits de douane compris entre 5 % et 10 % sur les importations de la plupart des produits chimiques. Les droits de douane perçus sur les équipements électriques au sein de l’UE oscillent généralement entre 5 % et 15 %. En Chine, ceux prélevés sur les machines culminent à 15 % voire 20 % dans certains cas. Lorsque l’on sait que les produits chimiques, les équipements électriques et les machines comptent parmi les principales exportations suisses, les avantages économiques des ALE apparaissent comme évidents (pour des informations plus détaillées, voir encadré).
Mais pour tirer parti de ce genre de traités, les entreprises doivent accorder une grande place à la planification organisationnelle et parfois aussi consentir d’importants investissements. L’émission de faux certificats d’origine, ou le fait de ne pas pouvoir authentifier l’origine suisse de ses marchandises une fois qu’elles ont été déclarées comme telles, peut entraîner de graves sanctions. Le droit suisse (l’Ordonnance sur la délivrance des preuves d’origine, RS 946.32) prévoit des amendes pouvant atteindre CHF 40 000 en cas de non-respect des directives légales. Et ce n’est pas tout: les opérateurs économiques peuvent se voir retirer leur statut préférentiel (i.e. exportateur agréé).
L’origine préférentielle constitue une question stratégique qui devrait être traitée au niveau de la direction
Dans la plupart des pays, des droits de douane sont prélevés sur l’importation de marchandises. Ces droits sont généralement calculés en pourcentage de la valeur des biens importés. Si, par exemple, une entreprise importe des marchandises pour un montant total de EUR 1 000 000 et que les droits de douane appliqués pour ce type de produits sont de 10 %, EUR 100 000 doivent être payés à l’administration douanière locale. Pour conférer un avantage compétitif à leurs opérateurs économiques, certains gouvernements renoncent à prélever les droits de douane dans le cadre d’ALE bilatéraux ou régionaux.
Mais que doit faire l’entreprise pour profiter d’un ALE? Afin d’éviter le contournement des règles commerciales, les gouvernements qui négocient un ALE conviennent de règles d’origine pour les marchandises. Ces règles déterminent quel type de transformations les produits doivent subir pour obtenir un statut préférentiel et bénéficier d’exemptions tarifaires lorsqu’ils passent la frontière. Par exemple, l’ALE conclu récemment entre la Suisse et la Chine stipule que, pour bénéficier de l’origine préférentielle, les machines fabriquées dans l’un des pays signataires doivent contenir au moins 50 % de composants suisses ou chinois. Dans le même esprit, l’ALE Suisse/UE signé en 1972 prévoit que le fromage suisse ne peut bénéficier de préférences tarifaires lorsqu’il est exporté vers l’UE que si le lait utilisé pour sa fabrication provient de Suisse.
Ces règles sont le résultat de négociations et varient par conséquent d’un ALE à l’autre et selon les produits. La Suisse ayant négocié à ce jour 30 ALE (en vigueur) avec environ 40 pays et partenaires, les opérateurs économiques font face à un défi de taille lorsqu’il est question d’origines. Il n’est pas rare qu’un même produit ait plusieurs origines préférentielles à la fois, en fonction de l’ALE et du prix auquel il est exporté. Cette situation a conduit à ce que l’on appelle «l’effet du plat de spaghettis», une métaphore utilisée pour décrire l’enchevêtrement des règles d’origine.
Qu’est-ce que tout cela signifie concrètement pour les entreprises exportatrices et importatrices de marchandises? Premièrement, les départements des ventes, de la production et des achats ont intérêt à communiquer étroitement entre eux. Comment les entreprises pourraient-elles certifier l’origine de leurs exportations si elles ne connaissent ni le contenu de leur produits, ni l’origine de leurs composants? Cela signifie en outre que les entreprises doivent pouvoir retracer les origines de la plupart de leurs achats et être en mesure de les authentifier et de les documenter. Deuxièmement, les départements juridiques doivent avoir connaissance des législations pertinentes et des conséquences de leur non-respect. De lourdes sanctions sont prises en cas de fausse déclaration d’origine. Troisièmement, les entreprises doivent avoir conscience qu’il n’est pas possible de bien gérer les préférences sans une intégration durable dans les systèmes informatiques. Ceci implique des investissements et des mesures de formation et de maintenance. Mais d’un autre côté, cela améliore la transparence en cas d’audits douaniers. Au final, pour qu’un plan aussi complexe fonctionne réellement, l’organisation de l’entreprise doit être intégrée horizontalement. Les rôles et responsabilités devraient être clairement définis (élaboration d’une politique-cadre), et il convient de s’assurer que la direction soit en mesure de rendre des comptes.
Rationaliser le dédouanement électronique
Pourquoi les gens paient-ils des comptables pour faire leurs déclarations d’impôt? Parce que c’est une tâche complexe et fastidieuse, et qu’il est vraisemblable qu’ils feront des économies au bout du compte. Pourquoi les entreprises confient-elles leurs formalités douanières à des agents en douane (les transitaires)? Probablement pour les mêmes raisons. Mais est-ce encore judicieux à l’ère de la douane électronique? En Suisse, un transitaire facture entre CHF 50 et CHF 150 pour remplir et soumettre une déclaration en douane. Il suffit d’additionner les envois mensuels d’une grande entreprise pour s’apercevoir des économies réalisables par l’internalisation du dédouanement. Internalisation qui peut également vous permettre de mieux contrôler vos flux de marchandises, de les surveiller et d’améliorer leur transparence et leur traçabilité. Car n’oublions pas non plus qu’au final, c’est l’importateur qui est responsable des marchandises déclarées, pas l’agent en douane. La Loi suisse sur les douanes (RS 631.0) est particulièrement sévère en cas de fausses déclarations conduisant au non-paiement ou au paiement insuffisant de droits de douane, avec des amendes représentant jusqu’au quintuple des droits impayés et la possibilité d’une peine privative de liberté.
De nos jours, le dédouanement électronique offre de nombreuses opportunités aux entreprises désirant reprendre le contrôle de leurs flux de marchandises. Il leur permet aussi de faire des économies et de renforcer la conformité et la transparence de leurs flux de marchandises. Bien entendu, cela nécessite des investissements informatiques. Néanmoins, selon nous, cela constitue une manière efficace d’exploiter les systèmes déjà en place. En effet, depuis les années 90, les entreprises déploient des efforts considérables dans le domaine de la chaîne d’approvisionnement et de la logistique. Dès lors, pourquoi ne pas «boucler la boucle» en intégrant les formalités douanières dans les procédures commerciales?