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IFRS 9: tous les utilisateurs sont concernés

Nadejda Groubnik Babalyan
Senior Manager, Accounting Consulting Services

La nouvelle norme comptable sur les instruments financiers ne concerne pas que les banques. L’introduction du modèle de dépréciation basé sur les pertes attendues demande davantage de travail tandis que la nouvelle comptabilité de couverture donne plus de liberté. Les utilisateurs devraient analyser les impacts d’IFRS 9 le plus tôt possible.

La norme IFRS 9, successeur d’IAS 39 et, à ce titre, nouvelle norme des instruments financiers a été publiée dans sa version finale. Les entreprises doivent l’appliquer pour tous les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2018 ou de manière anticipée si elles le souhaitent. A ce jour, l’UE ne l’a pas encore adoptée.

Comme tous les bilans contiennent des instruments financiers (Figure 1), IFRS 9 concerne toutes les entreprises appliquant IFRS.

Les conséquences de la nouvelle norme dépendent du secteur de l’entreprise ainsi que de la nature et de l’étendue des instruments financiers.

Le project IFRS 9 se décomposait en trois domaines:

  1. classification et évaluation
  2. dépréciations
  3. opérations de couverture


Figure 1: Instruments financiers typiques du bilan

Actif
Passif
Liquidités/trésorerie
Découverts bancaires
Créances à court terme
Dettes à long terme
Obligations/actions/parts de fonds d’investissement
Obligations émises
Dérivés avec une valeur de marché positive
Dérivés avec une valeur de marché négative

Tandis que les deux premiers domaines concernent toutes les entreprises et sont contraignants pour les instruments financiers, le troisième ne touche que celles souhaitant appliquer la comptabilité de couverture.

Les règles relatives à la comptabilisation initiale et la décomptabilisation des instruments financiers restent pour l’essentiel inchangées. En revanche, de nouvelles règles s’appliquent pour la classification et l’évaluation.

Liquidités et instruments de dette

Nous présentons ci-après la situation pour les actifs financiers.

Liquidités et instruments de dette
L’évaluation subséquente ne change pas pour la trésorerie et les créances résultant de livraisons et de prestations ainsi que pour les autres créances à court terme: elle continue de se faire en général au coût amorti.

Pour les obligations et autres créances (et globalement pour les instruments de dette), la classification est fonction du modèle de gestion et dépend de la complexité des flux de trésorerie y afférents.

Classification et évaluation des instruments de dette

Le modèle économique peut avoir pour objectif soit de détenir uniquement les créances, soit de les détenir et de les vendre le cas échéant. Dans les deux cas, il convient de vérifier si les flux de trésorerie remplissent les critères d’IFRS 9 concernant l’évaluation au coût amorti ou de la juste valeur par le biais des autres éléments du résultat global (FVOCI).

Les flux de trésorerie ne peuvent reposer que sur un remboursement du montant nominal et sur un intérêt du montant nominal encore dû. Ceci concerne toutes les obligations «classiques», mais pas les emprunts à option ni les obligations convertibles. Cette règle vise à garantir que les instruments plus complexes seront toujours évalués à la juste valeur par résultat (FVPL).

Lorsque les instruments de dette remplissent les critères des flux de trésorerie, l’évaluation est fonction de l’objectif du modèle de gestion (Figure 2): dans le modèle où l’objectif est de «détenir», l’évaluation suivante est au coût amorti, dans le modèle «détenir et vendre le cas échéant», elle se fait à la juste valeur par le biais des autres éléments du résultat global.

Actions et instruments de capitaux propres

Les instruments de capitaux propres ne disposent pas de flux de trésorerie contractuels et doivent en principe être évalués à la juste valeur par résultat.

Pour tous les instruments de capitaux propres qui ne sont pas détenus à des fins de transaction, la norme permet de faire le choix irrévocable lors de la comptabilisation initiale d’enregistrer les variations de juste valeur en OCI, sans qu’elles n’apparaissent dans le compte de résultat. Si l’entreprise fait ce choix, elle ne peut comptabiliser en résultat que les dividendes reçus. Toutes les autres variations de juste valeur ainsi que les bénéfices ou pertes ultérieurs provenant de ventes sont directement comptabilisés en OCI lors de la cession.

La catégorie FVOCI concerne exclusivement les instruments financiers qui correspondent à la définition des fonds propres selon les IFRS; dans la pratique, il s’agit principalement des actions.

Classification et évaluation des instruments de capitaux propres
Produits dérivés

Les dérivés avec une valeur de marché positive sont toujours comptabilisés aux valeurs de marché actuelles et portés à l’actif du bilan. Toutes les variations de valeur de marché sont enregistrées directement en résultat.

Classification et évaluation des passifs financiers

Les explications suivantes concernent les engagements financiers portés au passif.

Passifs évalués au coût amorti

Aucune modification n’est prévue pour les passifs financiers évalués au coût amorti. Ceci concerne la majorité des passifs financiers portés au bilan, comme par exemple les obligations émises ou les dettes sur livraisons et prestations.

Produits dérivés

Les dérivés avec une valeur de marché négative sont toujours comptabilisés aux valeurs de marché actuelles et portés au passif du bilan. Toutes les variations de valeur de marché sont enregistrées directement en résultat.

Passifs avec des variations de valeur de marché dans le compte de résultat

Pour les passifs financiers, la norme permet sous certaines conditions de faire le choix irrévocable d’une évaluation à la juste valeur dans le bilan lors de la comptabilisation initiale, et d’enregistrer les variations de juste valeur directement dans le compte de résultat. Pour ces passifs, la prise en compte du risque de crédit propre à l’entité change: actuellement, l’entreprise doit seulement indiquer sa modification dans l’annexe.

Etant donné que la détérioration du risque de crédit propre ne devrait pas entraîner de gains d’évaluation dans le compte de résultat, les modifications de ce type de risque de crédit seront comptabilisées en autres éléments du résultat global (Figure 4).


Figure 4: Classification et évaluation des passifs financiers

Une entreprise émet une obligation à CHF 100.– à la SIX, le 1er janvier 2014. Dans le bilan de l'entreprise, l'engagement est évalué à la juste valeur avec la comptabilisation des variations de juste valeur dans le compte de résultat. En raison de changement du niveau général des taux d’intérêt ainsi que difficultés financières, la valeur de marché de l'obligation chute à CHF 90.– au 31 décembre 2014.

Passifs financiers CHF
IAS 39
IFRS 9
Juste valeur le 1er janvier 2014
100 Engagement porté au bilan CHF 100.–

Juste valeur le 31 décembre 2014
90 Engagement porté au bilan CHF 90.–
Variation de juste valeur en 2014
   
Total
10  
Compte tenu de la détérioration du risque de crédit propre
8 Comptabilisation dans le compte de résultat
Comptabilisation en OCI
Compte tenu de la variation du niveau d’intérêt
2 Comptabilisation dans le compte de résultat
Comptabilisation dans le compte de résultat

Dépréciations

Le nouveau modèle de dépréciation doit être appliqué pour les instruments de dette des catégories coût amorti ou FVOCI. Il repose sur les flux de trésorerie attendus (modèle des pertes attendues) et comporte trois niveaux (Figure 5).

Selon le modèle des pertes attendues, au départ, tous les actifs financiers sont en principe classés en niveau 1. Pour ces actifs, les pertes attendues sur 12 mois sont comptabilisées en charges à la première date du bilan. Ces pertes correspondent à la valeur actuelle des défauts de paiement attendus à partir des potentiels cas de défaillance des 12 prochains mois. L’intérêt perçu est calculé sur la base de la valeur comptable brute – donc en utilisant la méthode du taux d’intérêt effectif – sur la valeur comptable avant la prise en compte de la dépréciation attendue.


Figure 5: Modèle à 3 niveaux des pertes attendues pour la dépréciation d’actifs financiers

Niveau 1
Niveau 2
Niveau 3
Risque de crédit
Lors de l’entrée au bilan et en l’absence d’une augmentation significative du risque de crédit
Risque de crédit
Augmentation significative du risque de crédit
Risque de crédit
Présence d’une indication objective suggérant la dépréciation
Comptabilisation de la provision pour risque
Dépréciation à hauteur de la perte de crédit attendue sur 12 mois
Comptabilisation de la provision pour risque
Dépréciation à hauteur de la perte de crédit attendue sur la durée de vie
Comptabilisation de la provision pour risque
Dépréciation à hauteur de la perte de crédit attendue sur la durée de vie
Intérêt perçu
Sur la base de la valeur comptable brute
Intérêt perçu
Sur la base de la valeur comptable brute
Intérêt perçu
Sur la base de la valeur comptable nette

Si après la comparaison avec la comptabilisation initiale, il s’avère que le risque de crédit a sensiblement augmenté, l’instrument financier est classé en niveau 2. Là, l’entreprise doit comptabiliser une dépréciation à hauteur des pertes attendues sur la durée de vie de l’actif financier («lifetime expected credit losses») dans le compte de résultat.

S’il existe, le jour du bilan, des indications objectives suggérant une dépréciation, l’instrument financier est classé en niveau 3. Le calcul de la dépréciation se fait alors de manière analogue au modèle de dépréciation actuel, sur la base de la valeur comptable nette.

Pour appliquer le modèle des pertes attendues, les entreprises ont besoin d’autres informations que pour l’actuel modèle de dépréciation. L’introduction de ce modèle demande beaucoup de travail et d’importantes adaptations du système.

IFRS 9 propose dans certaines conditions un modèle simplifié, par exemple pour les créances résultant de livraisons et de prestations. Ce modèle permet de comptabiliser une dépréciation à hauteur des pertes attendues sur la durée de vie, et ce, indépendamment de la qualité du crédit.

Aperçu des actifs financiers

La figure 6 résume les principales différences d’évaluation entre les normes IAS 39 et IFRS 9 pour les actifs financiers les plus courants.


Figure 6: Conséquences d’IFRS 9 sur les actifs financiers

Actifs financiers
IAS 39 évaluation
IFRS 9 évaluation
IFRS 9 dépréciation
Liquidités
Coût amorti
Coût amorti
Non applicable
Débiteurs
Coût amorti

Coût amorti

Modèle simplifié
Obligations
Coût amorti

Coût amorti

Modèle des pertes attendues
FVOCI
FVOCI
Modèle des pertes attendues
Produits dérivés
FVPL
FVPL
Non applicable
Actions
FVOCI
FVOCI
Non applicable
Parts de fonds d’investissement
FVOCI
FVPL
Non applicable

Une différence majeure concerne les instruments de capitaux propres de la catégorie FVOCI. D’après IFRS 9, les gains ou pertes réalisés restent directement dans les capitaux propres. Ainsi, la catégorie «Available for sale» très appréciée pour les actions par les utilisateurs des IFRS n’existera plus dans sa forme actuelle. Il n’y aura plus non plus de règles de dépréciation pour les instruments de capitaux propres de la catégorie FVOCI, puisque toutes les variations de juste valeur sont comptabilisées en OCI sans recyclage dans le compte de résultat.

La nouvelle catégorie FVOCI pour les instruments de dette correspond en grande partie à l’actuelle catégorie «Available for sale»: les gains ou les pertes réalisés lors de la décomptabilisation en OCI sont portés en résultat. Mais avec ce procédé, le nouveau modèle de dépréciation doit être appliqué.

D’après IFRS 9, les parts de fonds d’investissement ne peuvent être évaluées à la juste valeur par le biais des autres éléments du résultat global car elles ne représentent pas de capitaux propres. Cependant, comme elles n’ont pas habituellement non plus de flux de trésorerie contractuels, leur classification en instruments de dette n’est pas non plus possible. C’est pourquoi les parts de fonds d’investissement doivent être évaluées à la juste valeur par résultat.

Le plus grand défi dans la mise en œuvre d’IFRS 9 est lié au nouveau modèle de dépréciation pour les grands portefeuilles obligataires. C’est pour eux qu’est prévu le nouveau modèle de pertes attendues.

Comptabilité de couverture

Les dispositions d’IFRS 9 sur la comptabilité de couverture visent à aligner les règles comptables de divers domaines sur les stratégies de gestion des risques. Ceci permet de réduire les discordances comptables dans le compte de résultat. Toutefois, l’entreprise doit continuer de documenter ses relations de couverture et d’établir leur efficacité.

Les dispositions d’IFRS 9 relatives aux opérations de couverture ont déjà été publiées en novembre 2013 et ont été reprises sans modification dans la norme finale. 

La comptabilité de couverture selon IFRS 9 apporte des simplifications et de nouvelles possibilités de couverture. Ainsi, dans la pratique, les entreprises industrielles couvrent souvent des transactions de marchandises et de matières premières avec des produits dérivés contre les fluctuations de prix. La norme actuelle interdit de diviser en différents composants les contrats de fourniture de matières premières pour la comptabilité de couverture. Par conséquent, jusqu’à présent, les entreprises avaient le choix soit de dépenser beaucoup d’argent pour acquérir un dérivé conçu spécialement pour le contrat de matières premières, soit d’accepter l’inefficacité resp. la volatilité dans le compte de pertes et profits. Les nouvelles règles permettent, sous certaines conditions, de couvrir des éléments individuels et tiennent ainsi mieux compte de la réalité économique.

En plus des adaptations que nécessite IFRS 9, les entreprises devraient aussi revoir leur stratégie de couverture. Pour celles qui n’ont pas encore de comptabilité de couverture, c’est le bon moment pour profiter de l’introduction d’IFRS 9 et intégrer dans la comptabilité des modèles attrayants de couverture.

Conclusion

Les conséquences d’IFRS 9 peuvent se résumer de la manière suivante:

  • IFRS 9 concerne toutes les entreprises.
  • L’introduction du nouveau modèle basé sur les pertes attendues pour les dépréciations de gros portefeuilles demande un travail considérable.
  • La nouvelle comptabilité de couverture offre aux entreprises industrielles des simplifications intéressantes et de nouvelles possibilités.
  • Les entreprises ne devraient donc pas attendre pour analyser et implémenter la norme IFRS 9.

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Robel Ghebressilasie

Robel Ghebressilasie

Senior Manager, Corporate Reporting Services, PwC Switzerland

Tel : +41 58 792 28 79

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