Le 5 juin 2015, le Conseil fédéral a transmis la RIE III au Parlement. Il entend par cette réforme consolider le rôle de la Suisse en tant que domicile fiscal et partenaire de confiance. Si les Chambres réintègrent l’impôt sur le bénéfice corrigé des intérêts dans la réforme, la Suisse pourra continuer de faire partie des sites économiques les plus attrayants.
Raison et état d’avancement du projet de réforme
L’année 2007 marque le début du litige fiscal qui a opposé la Suisse et l’UE concernant les régimes spéciaux cantonaux d’imposition des entreprises. La Commission européenne reprochait notamment à la Suisse que ses règles cantonales pour les holdings, les sociétés mixtes et les sociétés d’administration enfreignaient l’accord de libre-échange de 1972. La Suisse a contesté cette infraction. Suite à cela, les Etats membres de l’UE ont chargé la Commission de négocier avec la Suisse son adoption du code de conduite européen en matière de fiscalité. La Suisse a, dans un premier temps, répondu à cette demande par des entretiens préliminaires, puis a engagé le dialogue. L’UE a durci sa pression en décrétant des sanctions si aucune avancée concrète n’était accomplie d’ici à la mi-2013. C’est pourquoi, à l’automne 2012, le Conseil fédéral a donné le mandat officiel de négociation en vue de régler la controverse fiscale et a mis sur pied une organisation de projet pour l’élaboration de la troisième réforme de l’imposition des entreprises (RIE III). Au mois de mai 2013, ce groupe de projet a publié un premier rapport d’étape sur la RIE III. Dans le même temps, l’OCDE a lancé en février 2013 son plan de mesures qui recense 15 actions (voir figure 2) visant à prévenir une érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (Base Erosion and Profit Shifting, BEPS) par les groupes multinationaux. Dans le cadre du projet BEPS «Lutter plus efficacement contre les pratiques fiscales dommageables, en prenant en compte la transparence et la substance», des travaux de recherche ont été engagés sur les pratiques et régimes fiscaux dommageables dans les Etats de l’OCDE. Les cinq régimes spéciaux suisses suivants ont été classés par l’OCDE comme dommageables pour la concurrence internationale:
Les règles d’imposition cantonales pour
- les holdings
- les sociétés mixtes
- les sociétés d’administration
Les règles de l’impôt fédéral direct pour
- les sociétés principales
- les établissements financiers stables («Swiss Finance Branches»)
Le 1er juillet 2014, la controverse fiscale avec la Commission européenne a été réglée par une Déclaration commune d’intention, dans laquelle la Suisse s’engage à abolir les régimes d’imposition spéciaux dans le cadre de la RIE III. De son côté, l’UE a promis de lever les mesures prises dans certains pays (p. ex. l’Italie) contre les sociétés à régimes spéciaux suisses. De plus, la Suisse s’est engagée à aligner ses nouvelles mesures fiscales sur les standards de l’OCDE et à collaborer activement au développement de normes fiscales internationales au sein de cette organisation.
Sur la base du rapport final de décembre 2013 et des réponses des cantons à la consultation, le Conseil fédéral a publié fin octobre 2014 un projet de consultation contenant divers éléments de réforme. La consultation s’est achevée fin janvier 2015. Le Conseil fédéral s’est appuyé sur ses résultats pour définir, au début avril 2015, les éléments centraux de la réforme, et a demandé l’élaboration du message pour la modification de la loi sur l’harmonisation fiscale (LFHF). Il a publié ces réformes le 5 juin 2015; les débats parlementaires débuteront dès cet été. Les partis bourgeois considèrent cette réforme comme urgente. Ceci étant dit, elle n’entrera pas en vigueur avant 2017, voire 2018, car un référendum est envisageable; la tenue d'une votation populaire pourrait ainsi s’avérer nécessaire. Au surplus, un délai supplémentaire de deux ans sera accordé aux cantons pour leur permettre de procéder aux adaptations nécessaires des lois fiscales cantonales. À ce niveau également, le processus parlementaire et, le cas échéant, populaire (référendum cantonal) seront à considérer. Ainsi, au niveau cantonal, les normes de la RIE III ne devraient donc pas prendre effet avant 2019 ou 2020.
Importance de la réforme pour la Suisse
La RIE III changera fondamentalement l’actuelle imposition des sociétés en Suisse. Ces trente dernières années, les régimes fiscaux spéciaux devant être supprimés ont joué un rôle d’aimants pour l’implantation d’activités internationales. Conjugués aux autres qualités du site suisse, ils ont eu une influence positive sur le développement économique de notre pays et sa prospérité.
Depuis l’annonce de la suppression des régimes fiscaux spéciaux des entreprises actives à l’international et du fait de l’incertitude quant aux futures règles d’imposition, les implantations en provenance de l’étranger ont nettement reculé. D’autres facteurs ont contribué dans une même mesure à cette tendance, en particulier les débats politiques sur la limitation de l’immigration de la main-d’œuvre étrangère, le niveau élevé des coûts en Suisse ainsi que le franc fort.
De nombreuses entreprises domiciliées en Suisse et exerçant des activités internationales très mobiles sont concernées par la suppression des régimes fiscaux spéciaux. Les sociétés privilégiées génèrent près de 50% des recettes fiscales de la Confédération par le biais de l’impôt fédéral direct. Avec les impôts des cantons et des communes, plus de 5 milliards de francs de recettes fiscales sont en jeu. Un départ à l’étranger des entreprises concernées aurait des conséquences majeures pour la Suisse. Aussi, il est indispensable que la suppression des actuelles règles d’imposition spéciales dans le cadre de la RIE III s’accompagne de nouvelles mesures fiscales attrayantes. Celles-ci doivent non seulement permettre de préserver la compétitivité fiscale du site suisse, mais également être acceptées à l’échelle internationale et pouvoir être financées par les collectivités publiques. L’abolition des régimes spéciaux actuels comporte de grands risques. Malgré tout, la Suisse devrait considérer cette réforme comme une chance et en tirer profit.