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Dimitri Senik
Director, Leader Investor Trust Services, PwC Suisse
La gestion durable est depuis longtemps une priorité de la communauté mondiale et donc de la Suisse. Différentes initiatives ont été convenues entre les États et doivent garantir les principes de vie des générations futures.
L’appel du public en faveur de mesures efficaces pour la protection de l’environnement a sensibilisé la politique et l’économie. Le plan d’action de l’UE vise une évaluation uniforme du niveau de durabilité des investissements en fonction de leur performance économique. Il entend par « finance durable » toute forme de service financier qui intègre des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans les décisions commerciales ou d’investissement au profit durable des clients et de la société (cf. illustration 1).
L’UE demande donc que les facteurs ESG soient inclus dans la décision d’investissement et l’évaluation des risques. Cela présuppose des obligations de publication normalisées et de nouvelles valeurs de référence pour les investissements à faible émission de CO2 et les bilans avantageux en matière de CO2.
Illustration 1 : le plan d’action de l’UE divise le système financier selon les facteurs ESG (en environnement, social et gouvernance).
La durabilité s’étend sur toute la chaîne de valeur d’une entreprise financière, du développement et de l’aménagement de produits à la commercialisation et à la gestion de clientèle, en passant par le traitement des transactions et la gestion de portefeuille, loin dans l’économie réelle (cf. illustration 2). Le potentiel des investissements durables augmente. En Suisse, il a atteint un nouveau record de 717 milliards de francs en 2018 (cf. Swiss Sustainable Finance Annual Report 2018, SSF, 2019). Et enfin, avec leur orientation ESG, les investisseurs, les bailleurs de fonds et les emprunteurs contribuent concrètement à la réalisation des objectifs climatiques mondiaux au profit d’une société durable.
Illustration 2 : la durabilité est incluse dans chaque étape de la création de valeur.
Les prestataires de services financiers ne peuvent contourner les exigences ESG. La première question est de savoir quel niveau d’ambition ils visent exactement (cf. illustration 3). Le seuil minimal consiste à répondre aux exigences légales. Des directives d’autorégulation, comme celles de l’Association suisse pour des investissements responsables (SVVK-ASIR), existent déjà. Ceux qui se positionnent de manière ciblée sur ce sujet, innovent et profitent de la valeur ajoutée de l’économie de marché, occupent une place en tête du peloton.
Illustration 3 : selon le niveau d’ambition, différentes questions sont au cœur du débat sur le développement durable.
Selon l’attitude avec laquelle une entreprise prend ses décisions d’investissement et de financement ou recherche des produits financiers verts, différents défis et points de discussion stratégiques se dessinent.
De nombreux investisseurs considèrent que les investissements selon les critères ESG sont moins prometteurs. Cette idée est fausse ! Le fait est que les entreprises qui intègrent des mesures de durabilité dans leur évaluation financière affichent une performance au moins aussi satisfaisante que celles qui ne le font pas. Les entreprises aux exigences ESG élevées comprennent mieux ce qui renforce ou affaiblit leurs performances et sont moins exposées aux risques ESG.
Ceux qui investissent en appliquant les critères ESG éliminent souvent des secteurs entiers (alcool, tabac, jeux, armes (controversées), ciment). Cette exclusion n’est pas toujours utile pour la gestion et la transformation durable. La production mondiale de ciment, par exemple, est responsable de 7 % des émissions mondiales de CO2 (cf. Cement Produces More Pollution Than All the Trucks in the World, Bloomberg, 2019). Mais, sans ciment, pas d’infrastructure pour l’énergie. De plus, l’exclusion des armes controversées soulève la question éthique de savoir comment traiter les instruments financiers des États qui commandent des armes controversées.
Valeur d’entreprise et valeur de société peuvent être étroitement liées. Par exemple, lorsque les entreprises sont profondément ancrées dans leur région ou des entrepreneurs à forte personnalité s’inscrivent dans une démarche philanthropique. L’ensemble de valeurs d’une entreprise peut avoir un impact notable sur sa performance (cf. UBS/PwC Billionaires Report 2019, UBS, 2019), précisément dans les entreprises familiales.
Il n’existe pas encore de normes ESG claires qui permettraient de publier et évaluer la durabilité (voir l’article principal « De l’apparence à l’être »). Les agences de notation mesurent l’aptitude ESG des entreprises selon différentes méthodes et fixent des critères inégaux. Les notes ESG ne sont donc pas réellement en corrélation et une comparaison factuelle des investissements ESG est impossible. À cet effet, il est conseillé de sélectionner soigneusement le fournisseur tiers pour une évaluation initiale, puis d’utiliser des critères d’évaluation complémentaires.
Certaines catégories d’actifs peuvent facilement être évaluées. Pour les actions des sociétés cotées en Bourse, la transparence en matière d’ESG prévaut. L’évaluation des obligations semble plus difficile. Certes, les émetteurs d’obligations peuvent être évalués de la même manière que les émetteurs d’actions. Cependant, il n’existe actuellement aucun format permettant d’évaluer une obligation selon les critères ESG, hors obligations vertes ou climat.
Avec les catégories d’actifs alternatives et les instruments du marché monétaire, une évaluation selon les critères ESG est également problématique en raison du manque de normalisation. Des normes d’efficacité énergétique et de construction durable sont en cours d’élaboration dans le secteur immobilier. Malgré tout, nous recommandons de procéder à une évaluation ESG individuelle.
La durabilité est une exigence fortement interconnectée qui dépasse largement le débat d’experts sur le climat. Elle affecte l’ensemble de la chaîne de valeur, l’ensemble de la structure de performance du marché économique et son financement. En conséquence, les décideurs devraient évaluer le degré de durabilité des placements de manière globale et avec prévoyance. Car on ne peut ignorer la durabilité. Le sujet est à l’ordre du jour pour le Conseil fédéral, le Parlement, l’Autorité de surveillance des marchés financiers, la Banque nationale suisse et d’autres acteurs de la place financière et économique suisse. Dans un avenir peu lointain, le régulateur et l’éditeur de normes créeront des directives. Les entreprises devront alors être prêtes à appliquer les ESG.
Le plan d’action de l’UE vise une évaluation uniforme du niveau de durabilité des investissements en fonction de leur performance économique. Par « finances durables » on entend toute forme de prestation financière qui intègre des critères environnementaux, sociaux ou de gouvernance (Environmental, Social, Governance, ESG) dans les décisions commerciales et d’investissement pour un profit durable des clients et de la société.
Régulateurs et normalisateurs établiront demain des directives. Pour les entreprises, c’est en premier lieu la question du niveau d’ambition qui se pose. Le minimum correspond au respect des dispositions légales. Quiconque se positionne sur ce créneau et tire profit de la valeur ajoutée qui en découle occupera une place de choix.
D’autres défis apparaîtront en fonction des choix : durabilité ou rentabilité, exclusion ou transformation, actifs ou performance ? Quels standards suivre ? Quelles sont les classes d’actifs concernées ?
La durabilité touche la structure de la performance des marchés dans son ensemble ainsi que son financement. Les décideurs doivent donc évaluer le niveau de durabilité des placements en conséquence.
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