Gros plan sur : rapports financiers

Effets des contrats SaaS sur les rapports financiers

Katja Barz
Senior Manager Accounting Consulting Services, PwC Switzerland

La numérisation offre des opportunités à long terme. Cependant, à court terme, les entreprises doivent parfois faire des investissements considérables, aussi bien dans le matériel, les logiciels, les solutions de cloud que dans des spécialistes en technologie de l’information. Indépendamment du référentiel comptable appliqué, les préparateurs des états financiers doivent considérer comment ce coût additionnel se répercute dans les rapports financiers. Nous nous concentrons sur les règles comptables des Normes internationales d’information financière (IFRS) et exposons les explications de l’IFRS Interpretation Committee (IFRS IC).

Le contrôle comme condition d’activation

Dans les contrats Software as a service (SaaS), l’utilisateur a généralement accès, contre rétribution, à une application pendant une période déterminée, sans toutefois obtenir ni licence ni droit de propriété dessus. Le logiciel est alors exploité sur une infrastructure cloud. Les IFRS ne prévoient aucune règle applicable aux contrats SaaS. Leurs utilisateurs doivent par conséquent se demander comment traiter les coûts qui découlent de ces contrats du point de vue comptable. 

L’IFRS IC estime qu’un contrat relatif à un droit d’accès à un logiciel constitue un contrat de service, au titre duquel l’utilisateur bénéficie de la prestation pendant la durée du contrat. Au début du contrat, l’utilisateur n’a aucun contrôle sur le logiciel et n’a donc aucune immobilisation pouvant être inscrite à l’actif (cf. tableau 1).

« On Premise » : Immobilisation incorporelle Contrat SaaS : Prestation
Achat d’une licence d'utilisation du logiciel Contrat aux termes duquel un fournisseur de cloud met à disposition des logiciels et des applications
  • La mise en œuvre et l’entretien sont assurés par les collaborateurs du service informatique de l’utilisateur
  • La planification, les tests, les contrôles, l’actualisation et les modifications au sein du système relèvent de la responsabilité de l’utilisateur
  • L’utilisateur obtient le contrôle sur le logiciel (L’accès peut être restreint.)
  • Droit d’utilisation du logiciel
  • L’utilisateur a seulement accès au logiciel et aux applications
  • L’utilisateur n’a aucun contrôle sur d’autres aspects (comme le moment et le type d’actualisation ou de reconfiguration, les décisions concernant la plateforme d’hébergement, etc.)
  • Aucun pouvoir de restreindre l’accès 
  • Uniquement le droit d’accéder au logiciel

Tableau 1 : Immobilisation incorporelle versus prestation

En mars 2021, l’IFRS IC a abordé le sujet du traitement des coûts de configuration et de personnalisation dans le cadre de contrats SaaS. Deux grandes questions se posent ensuite en termes de comptabilisation :

  • Les coûts génèrent-ils une immobilisation incorporelle ?
  • Dans la négative, les coûts doivent-ils être comptabilisés en tant que dépense ou doivent-ils faire l’objet de paiements d’avances en actifs de régularisations ?

Coûts de configuration et personnalisation

Généralement, outre les frais de SaaS, les entreprises supportent d’autres coûts, parfois importants, pour la configuration et/ou la personnalisation de leur propre système. L’IFRS IC distingue ces coûts comme suit :

  • Configuration : Elle comprend l’application de différents « Flags » ou « Switches » dans le logiciel ou la définition de paramètres pour installer le logiciel existant. Aucun code logiciel supplémentaire n’est alors créé, mais le logiciel existant est rendu utilisable pour l’entreprise.
  • Personnalisation : Les codes logiciels existants sont modifiés dans l’application et, le cas échéant, des codes logiciels supplémentaires sont créés. Cela conduit généralement à de nouvelles fonctionnalités ou des fonctionnalités modifiées.

Comptabilisation

Le cas de figure 1 explique comment comptabiliser les coûts de configuration et de personnalisation pour le client.

Questions concernant la comptabilisation des coûts de configuration et d’ajustements

Figure 1 : Questions concernant la comptabilisation des coûts de configuration et de personnalisation

Question 1 : Les coûts de configuration et de personnalisation pour les clients satisfont-ils à la définition d’une immobilisation incorporelle ?

L’IFRS IC retient que les utilisateurs ne peuvent en général pas comptabiliser d’immobilisation incorporelle avec un contrat SaaS, puisqu’ils ne contrôlent pas le logiciel et que la personnalisation ne donne lieu à aucun actif distinct du logiciel. Il n’y a que dans le cas où la personnalisation génère un code supplémentaire, contrôlé par l’utilisateur, qu’il faut vérifier si les coûts satisfont à la définition d’une immobilisation corporelle selon IAS 38 (cf. IAS 38.25 ou 38.75).

Exemple – Coûts liés au passage à un modèle informatique basé sur le cloud

Une entreprise est passée à un modèle SaaS durant l’exercice en cours. Cette mise en service a occasionné pour l’entreprise, en plus des frais de SaaS, un coût supplémentaire de 110 KCHF au cours de la période visée :

  • 10 KCHF pour le nettoyage et le transfert des données
  • 5 KCHF pour la formation des collaborateurs
  • 45 KCHF pour la configuration du logiciel SaaS (application de « flags » ou « switches », réglage des paramètres du logiciel)
  • 50 KCHF pour une interface propre à l’entreprise entre les applications logicielles et les fonctions de rapport développées par l’entreprise elle-même

Question :

Comment les frais de 110 KCHF engagés pendant la période en cours doivent-ils être comptabilisés ?

Réponse :

  • Les coûts de nettoyage et de transfert des données (10 KCHF) ne créent aucune ressource représentant un bénéfice économique pour l’entreprise, puisque les données existaient déjà et n’ont en aucune façon été améliorées. Ces coûts doivent être comptabilisés en charges, puisqu’ils ne répondent pas aux critères de capitalisation d’une immobilisation incorporelle. 
  • Les frais de formation (5 KCHF) ne doivent pas être dissociés des frais de développement de l’entreprise en général et doivent être comptabilisés en dépenses au moment où ils sont engagés.
  • Pour les coûts de configuration (45 KCHF), l’entreprise ne peut pas comptabiliser d’immobilisation incorporelle, puisqu’elle ne contrôle pas le logiciel qui est configuré et que ces activités ne génèrent aucune ressource contrôlée par l’entreprise dissociable du logiciel.
  • Lors de l’élaboration de l’interface (50 KCHF), l’entreprise a créé un actif sur laquelle elle exerce un pouvoir de contrôle. Il s’agit donc d’une ressource qui devrait lui apporter un bénéfice économique ultérieur. Cette immobilisation est identifiable séparément et est placée sous le contrôle de l’entreprise. Si les critères de comptabilisation des coûts de développement sont remplis (IAS 38.57), il convient de comptabiliser une immobilisation incorporelle et de l’amortir sur la durée de vie utile prévue.
Question 2 : La configuration et la personnalisation aux clients sont-ils dissociables du contrat SaaS ?

Si les prestations sont fournies par le fournisseur de SaaS ou son sous-traitant, la question qui se pose est celle du moment où les coûts doivent être saisis. Les coûts dissociables du contrat SaaS doivent être saisis sur la durée de fourniture des prestations. Si aucune distinction claire n’est possible, les coûts doivent être activés comme prépaiement et répartis sur la durée de vie du contrat SaaS. L’appréciation du caractère clairement distinct des prestations de configuration et de personnalisation dépend des dispositions contractuelles. Si les prestations de configuration et de personnalisation aboutissent à une modification significative de la possibilité d’utilisation convenue contractuellement d’un logiciel, il faut présumer qu’elles ne sont pas clairement distinctes (cf. par analogie à l’IFRS 15.29(b) en lien avec l’IFRS 15.BC110).

Exemple – Coûts de personnalisation d’un code source SaaS 

Une banque met en œuvre un contrat SaaS. Étant donné que la version de base ne répond pas à toutes les exigences réglementaires, le fournisseur de SaaS procède à des ajustements et étend certaines fonctions du logiciel en intervenant sur les codes sources :

  • configuration de nouveaux champs de données pour saisir les données à caractère personnel pour les objectifs de placement ;
  • configuration d’un stockage pour les documents mis à la disposition des clients ;
  • ajout d’un code postal par client à des fins de communication.

Tous les ajustements ont été payés à l’avance par l’entreprise.

Question :

L’entreprise peut-elle activer les coûts de personnalisation spécifiques aux clients ?

Réponse :

L’entreprise en arrive à la conclusion que les dépenses liées à la personnalisation ne satisfont pas à la définition d’une immobilisation incorporelle. Les ajustements ne peuvent pas être distingués des prestations SaaS, parce qu’ils modifient profondément les prestations SaaS à fournir. Les prestations sont indissociablement liées, puisque la prestation SaaS ne satisfait pas aux exigences réglementaires sans la personnalisation pour le client. Les dépenses doivent par conséquent être comptabilisées comme une charge payée d’avance pour la prestation SaaS, et amorties sur la durée de vie du contrat.

Question 3 : Le tiers qui effectue la configuration et la personnalisation pour le client est-il un sous-traitant du fournisseur de SaaS ?

Les prestations de configuration et de personnalisation pour le client peuvent être fournies aussi bien par le fournisseur de SaaS que par un tiers. Pour ce dernier, les coûts correspondants doivent en général être saisis en tant que charges au moment où ils sont engagés. L’IFRS IC exige ici de préciser si le fournisseur tiers est un sous-traitant (agent) du fournisseur de SaaS ; les prestations de configuration et de personnalisation sont considérées comme fournies par le fournisseur de SaaS (voir question 2). Cette analyse implique l’exercice d’un jugement significatif. Les questions ci-dessous, si répondus par l’affirmative indiquent en substance que le tiers est un sous-traitant :

  • Le fournisseur de SaaS a-t-il la possibilité d’une manière ou d’une autre d’instruire comment le travail doit être effectué ?
  • Le fournisseur de SaaS a-t-il participé à la décision de confier la mission au fournisseur tiers ?
  • Les conditions contractuelles du fournisseur de SaaS dépendent-elles de l’exécution des prestations du fournisseur tiers ?
  • Le fournisseur de SaaS est-il le premier responsable des prestations fournies par le fournisseur tiers ?

Mise en pratique

Les utilisateurs des IFRS devraient vérifier et, le cas échéant, adapter le traitement des coûts de configuration et de personnalisation engagés lors des périodes précédentes, en particulier lorsqu’ils ont engendré ces coûts. Tout ajustement de chiffres reconnus dans les états financiers se fait rétroactivement, en ajustant les chiffres de l’exercice précédent.

Le suivi des coûts activables implique des processus et des outils adaptés. Les entreprises disposent d’infrastructures informatiques complexes nécessitant des interfaces et des ajustements lors la de mise en œuvre ce qui complexifie la situation. Il convient en outre de considérer les aspects suivants :

  • Les coûts sont souvent analysés et affectés de manière rétroactive aux différents éléments d’un projet.
  • Les renseignements sur les coûts saisis ne sont pas suffisamment détaillés, ce qui complique leur affectation.
  • Les données et les informations sont stockés à différents endroits.
  • Avec l’importance croissante de l’infrastructure informatique, les exigences de documentation sont croissantes.
  • La saisie et l’affectation des coûts ne sont pas suivi de manière exhaustive.

Conclusion

La comptabilisation des contrats de cloud, tels que les solutions de SaaS, représente un défi de taille pour les entreprises. Idéalement, les questions de comptabilité sont clarifiées en amont des projets informatiques. En effet, la comptabilisation des coûts logiciels peut fortement influencer les indicateurs clés de performance tels que les investissements, les dépenses opérationnelles ou l’EBIT.

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Delia Beyeler

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Partner, Capital Market and Accounting Advisory Services, PwC Switzerland

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