Fonds de placement collectifs

Comment déterminer la valeur de vos immeubles pour l’imposition du capital ?

Ralf Hofstetter

Morad Laqtaïbi
Head of Real estate taxes for Romandie region, PwC Switzerland

Jusqu’à présent la question pouvait conduire à plusieurs réponses : la valeur comptable, le prix de revient, la valeur fiscale ou encore la valeur vénale des immeubles. Le Tribunal fédéral est venu trancher tout récemment cette question avec une position qui suscite de nombreuses interrogations en pratique. 

Pour rappel, la loi fédérale sur les placements collectifs de capitaux (« LPCC ») prévoit que les placements collectifs immobiliers comptabilisent les immeubles à leurs valeurs vénales, déterminées sur la base des estimations d’experts indépendants. Cette évaluation correspond ainsi aux prix auxquels les immeubles pourraient être vendus au moment de leurs estimations afin d’informer les investisseurs des valeurs réelles des immeubles.

En droit cantonal genevois, la valeur des immeubles locatifs est estimée par capitalisation de l’état locatif annuel aux taux fixés chaque année par le Conseil d’Etat, selon les zones de situation des immeubles et leurs affectations (e.g. habitation ou commercial). La valeur des immeubles locatifs ainsi obtenue (dite « valeur fiscale ») s’avère en pratique différente de la valeur vénale ressortant des comptes LPCC. 

La question s’est alors posée de la valeur à retenir pour l’imposition du capital des fonds de placement collectifs immobiliers, notamment lorsque la valeur fiscale est supérieure à la valeur réelle des immeubles. 

De plus, la circulaire no 25 de l’Administration fédérale des contributions du 23 février 2018 prévoit une imposition sur la base de la valeur des immeubles tel que reconnu dans les comptes statutaires préparés selon le Code des obligations suisse, respectivement les comptes LPCC. Cependant, le Tribunal fédéral n’a pas tenu compte des prescriptions de la circulaire no 25 dans sa décision.

Position du Tribunal fédéral

Selon notre Haute Cour, la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (« LHID ») prévoit que s’agissant des associations, fondations et des autres personnes morales – dont font partie les placements collectifs possédant des immeubles en propriété directe – le capital propre imposable comprend la fortune nette, déterminée conformément aux dispositions applicables aux personnes physiques. Le principe d’autorité du bilan commercial (« Massgeblichkeitsprinzip » ou « principe de déterminance ») ne s’applique donc pas en l’espèce contrairement à ce qui prévaut pour les sociétés de capitaux et sociétés coopératives.

Renvoyant aux dispositions de la LHID sur la détermination de la fortune imposable des personnes physiques, la fortune est estimée à la valeur vénale avec la possibilité de prendre en considération la valeur de rendement de manière appropriée. Sur cette base, le Tribunal fédéral considère que la LHID ne prescrirait donc pas de méthode d'évaluation précise pour la détermination de la valeur vénale/de rendement et une importante liberté est laissée aux cantons. 

Enfin, toujours selon le Tribunal fédéral, le but de la législation en matière de placements collectifs de capitaux (LPCC) diffèrerait de celui de la législation fiscale. Les normes d'évaluation des immeubles prévues par la LPCC et ses dispositions d'exécution auraient pour but premier de protéger les investisseurs, alors que les règles fiscales d'évaluation visent à appréhender au mieux la capacité contributive du sujet fiscal.

En conséquence, le Tribunal fédéral conclut que l’application des valeurs fiscales fixées sur la base de la capitalisation de l’état locatif annuel aux taux fixés annuellement par le canton de Genève serait conforme aux dispositions fiscales pour l’imposition du capital des fonds immobiliers.

Conclusion

Il ressort de cette décision inattendue du Tribunal fédéral que la valeur fiscale des immeubles, même supérieure à celle de la valeur vénale, serait pertinente pour la détermination du capital imposable des fonds de placement collectifs détenant des immeubles en direct.

La position du Tribunal fédéral est regrettable, notamment sous couvert que les dispositions législatives fédérales poursuivent des buts différents : celle de la LHID avec un renvoi aux dispositions applicables aux personnes physiques et celle de la LPCC spécifique et adaptée aux fonds de placements collectifs. 

De notre point de vue, le principe de capacité contributive, découlant de notre Constitution fédérale, devrait bien au contraire, se baser sur la valeur réelle et économique des immeubles comme prévu par la LPCC. C’est bien cette valeur vénale déterminée par les experts indépendants qui reflète la réelle capacité à contribuer pour l’impôt sur le capital des fonds de placement. Nous espérons que le Tribunal fédéral reconsidéra sa position dans sa jurisprudence future.

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Morad  Laqtaïbi

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