LSFin : changements fondamentaux pour la prestation de services financiers transfrontaliers

Philipp Rosenauer Partner Legal, PwC Switzerland 16 avr. 2019

L’industrie des services financiers verra apparaître de nouvelles réglementations et exigences en 2020. Pour la première fois, les conseillers en placement devront être inscrits dans un registre des conseillers. Ils seront également tenus de s’affilier à un organe de médiation. Ces modifications, ainsi que d’autres modifications, seront régies par la loi sur les services financiers.

Champ d’application de la loi sur les services financiers (LSFin)

La loi sur les services financiers (LSFin) entrera probablement en vigueur à partir du 1er janvier 2020. Elle envisage de réglementer pour la première fois la fourniture de services financiers en Suisse ou à des clients en Suisse. Les services financiers sont les prestations suivantes fournies aux clients (art. 3, let. c, LSFin) : l’acquisition et la vente de tous les instruments financiers, des titres de participation et de créance, des produits structurés, des fonds, des produits dérivés, des obligations et des dépôts structurés (art. 3, let. a, LSFin). Cela inclut toute activité visant spécifiquement l’acquisition et la vente d’instruments financiers, telle que, mais sans limitation :

  • La distribution d’instruments financiers ;
  • La réception et la transmission d’ordres portant sur des instruments financiers ;
  • La gestion d’instruments financiers (gestion de fortune) ;
  • L’émission de recommandations personnalisées portant sur des opérations sur des instruments financiers (conseil en placement) ;
  • L’octroi de crédits pour exécuter des opérations sur instruments financiers.

Les prestataires de services financiers sont des personnes qui fournissent des services financiers en Suisse ou au bénéfice de clients en Suisse (art. 3, let. d, LSFin). Désormais, ces prestataires de services financiers sont également explicitement des conseillers en placement en relation aux instruments financiers. Pour la première fois, ils sont soumis à une réglementation complète en vertu de la loi suisse. Tous les prestataires de services financiers ainsi que les conseillers à la clientèle, c’est-à-dire les personnes physiques qui fournissent des services financiers au nom de prestataires de services financiers ou de façon indépendante (art. 3, let. e, LSFin), sont soumis à des obligations détaillées. En particulier, ces obligations sont :

  • L’obligation de classer les clients (art. 4 LSFin)
  • Les obligations de comportement (art. 7 LSFin)
  • L’obligation de vérifier le caractère approprié ou l’adéquation des services de conseil en placement et de gestion de fortune (art. 10 LSFin)
  • L’obligation de documenter et de rendre compte (art. 15 LSFin)
  • Les obligations de transparence et de diligence (art. 17 LSFin)
  • L’établissement d'un prospectus pour l’offre au public de valeurs mobilières (art. 35 LSFin)
  • L’établissement de feuilles d’information de base pour les clients privés (art. 58 LSFin)
  • L’inscription dans un registre des conseillers (art. 28 LSFin)
  • L’affiliation à un organe de médiation (art. 74 LSFin)

La période de consultation concernant  l’ordonnance sur les services financiers (OSFin) durera jusqu’en février 2019. Par conséquent, il est probable que la version définitive de l’ordonnance sur les services financiers sera différente après cette date.

Nouvelles réglementations en ce qui concerne la prestation de services financiers transfrontaliers provenant de l’étranger fournis à des clients en Suisse

La LSFin s’applique explicitement à la prestation de services financiers transfrontaliers depuis la Suisse ou de l’étranger vers la Suisse, c’est-à-dire aux conseillers à la clientèle qui ne sont pas établis de manière permanente en Suisse et qui exercent des activités de prestation de services financiers professionnels par le biais d’appels ou de communications par e-mail. Une telle prestation de services financiers transfrontaliers vers la Suisse était non réglementée avant l’entrée en vigueur de la LSFin, sauf si ce prestataire de services financiers avait engagé du personnel en Suisse ayant une activité professionnelle active, et ce, de manière permanente.

La LSFin précise toutefois que la prestation de services financiers, notamment la distribution d’instruments financiers, la gestion de fortune et la prestation de services de conseil en placement aux clients par le biais de banques, de gestionnaires de fortune, etc. qui résident dans l’UE, relève du champ d’application de la LSFin. Par conséquent, ces activités sont assujetties aux obligations énoncées dans la LSFin, c’est-à-dire aux obligations de comportement et d’information, mais également à d’autres obligations. Les banques ainsi que les gestionnaires de fortune européens doivent également se conformer à des obligations similaires conformément à la directive MIF II. Par ailleurs, ces banques et gestionnaires de fortune doivent respecter les directives suisses, telles que l’inscription au registre des conseillers ou l’affiliation à un organe de médiation. Cependant, il est également possible en Suisse, tout comme en Europe, de fournir des services financiers sans être assujetti aux règles si le client a explicitement demandé à recevoir de tels services financiers par e-mail ou par téléphone. Les services financiers qui ne sont pas inclus dans la demande initiale sont considérés comme fournis en Suisse (art. 2 et 3, OSFin).

Conformément à la LSFin, le non-respect délibéré de ces dispositions peut entraîner une amende pouvant aller jusqu’à CHF 500 000, voire une enquête par l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) pour violation des lois financières. Dans le pire des cas, celle-ci peut interdire au prestataire de services financiers d’intervenir sur le marché financier Suisse ou d’exercer une fonction dirigeante auprès du prestataire de services financiers (art. 33 LFINMA).

Obligation d’inscrire dans un registre des conseillers les conseillers à la clientèle de prestataires de services financiers suisses, ainsi que les conseillers à la clientèle de prestataires de services financiers étrangers qui fournissent des services financiers en Suisse

Les conseillers à la clientèle de prestataires de services financiers domiciliés à l’étranger qui fournissent des services financiers à des clients basés en Suisse (ex. : sous forme de distribution d’instruments financiers) doivent être inscrits dans un registre des conseillers. L’obligation d’être inscrit au registre des conseillers s’appliquera probablement aussi aux conseillers à la clientèle étrangers de prestataires de services financiers étrangers faisant partie d’un groupe assujetti à la surveillance de la FINMA, pour autant qu’ils ne fournissent pas leurs services qu’à des clients professionnels ou institutionnels (art. 31 LSFin). Le conseiller à la clientèle doit être inscrit dans un registre préalablement à la prestation de services financiers en Suisse ou à la prestation de services financiers transfrontaliers aux clients basés en Suisse (art. 28 LSFin). Par conséquent, l’inscription au registre des conseillers est une condition non négociable pour obtenir l’accès au marché Suisse. Le registre des conseillers, qui doit lui-même détenir une licence délivrée par l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA), procède à un examen approfondi de la demande de chaque conseiller. Conformément à la loi, chaque conseiller à la clientèle concerné doit être inscrit auprès d’un registre au plus tard le 30 juin 2020 (art. 95, al. 1, LSFin). Il est attendu que de multiples conseillers à la clientèle s’inscriront volontairement dans un registre des conseillers avant le 1er janvier 2020, en raison du fort effet marketing d’une telle entrée et du fait que le registre des conseillers deviendra le premier registre public de conseillers en Suisse.

Les conditions d’inscription sont : une connaissance suffisante des règles de comportement énoncées dans la LSFin, les connaissances requises pour l’exécution de services financiers, une assurance de responsabilité civile professionnelle ou une garantie financière équivalente, l’affiliation à un organe de médiation, aucun casier judiciaire conformément au code pénal suisse et aucune interdiction de pratiquer ou d’exercer imposée par la FINMA (art. 29 LSFin). Particulièrement, l’exigence de connaître suffisamment les règles de comportement énoncées dans la LSFin pourrait poser des problèmes aux conseillers à la clientèle non européens qui doivent s’inscrire dans un registre des conseillers. Le registre des conseillers possède le pouvoir discrétionnaire de décider si un conseiller à la clientèle spécifique dispose d’une connaissance suffisante des règles de comportement énoncées dans la LSFin ainsi que des connaissances techniques requises pour l’exécution de services financiers.

Les conseillers à la clientèle doivent prouver au moment de la demande, sur la base de documents et éventuellement d’un entretien oral, qu’ils possèdent la connaissance et l’expertise requises. Le registre des conseillers contient au moins les informations suivantes sur les conseillers à la clientèle (art. 30 LSFin) :

  • Nom et prénom ;
  • Nom ou raison sociale et adresse du prestataire de services financiers pour lequel ils exercent leur activité ;
  • Fonction et position du conseiller à la clientèle au sein de l’organisation ;
  • Champs d’activité ;
  • Formation initiale et formation continue accomplies ;
  • Nom de l’organe de médiation auquel le prestataire de services financiers est affilié ;
  • Date de l’inscription au registre.

Même après son inscription initiale, le conseiller à la clientèle aura des obligations supplémentaires. Les conseillers à la clientèle doivent signaler à leur registre, dans un délai de 14 jours, les modifications suivantes (art. 41 OSFin) :

  • Changement de nom et d’adresse du prestataire de services financiers qui les emploie ;
  • Changement de fonction ou de position dans l’organisation et de champs d’activité ;
  • Formation initiale et formation continue accomplies ;
  • Changement d’organe de médiation ;
  • Suppression de tout ou partie de l’assurance responsabilité civile professionnelle ;
  • Fin de l’activité de conseiller à la clientèle ;
  • Acte de défaut de biens délivrés à leur nom ;
  • Condamnation pénale pour infraction aux lois sur les marchés financiers suisses et internationaux ;
  • Interdictions suisses et internationales d’exercer comme conseiller à la clientèle.

Obligation d’affiliation à un organe de médiation

L’obligation supplémentaire à laquelle sont également soumis les prestataires de services financiers étrangers est l’obligation d'être affilié à un organe de médiation (art. 74 LSFin). L’organe de médiation accorde aux clients des prestataires de services financiers, qui ont demandé des réclamations à leur encontre, un moyen supplémentaire de règlement extrajudiciaire des litiges. La procédure de médiation doit être non bureaucratique, équitable, rapide, impartiale et peu onéreuse pour le client, voire gratuite (art. 75, al. 1, LSFin). Il s’agit d’une procédure de médiation qui devrait permettre une autre méthode de régler les réclamations éventuelles de la part de clients de prestataires de services financiers. Le dépôt d’une demande de médiation auprès d’un organe de médiation n’exclut pas une action civile et n’empêche pas une telle action. Au terme d’une procédure de médiation, le demandeur peut renoncer unilatéralement à l’exécution d’une procédure de conciliation au sens du code de procédure civile. Par conséquent, l’organe de médiation clôt la procédure dès qu’une autorité de conciliation, un tribunal, un tribunal arbitral ou une autorité administrative est saisi de l’affaire (art. 40 LSFin).

Les prestataires de services financiers ont des obligations étendues liées à l’organe de médiation. Ils sont en principe tenus de s’affilier à un organe de médiation au plus tard au moment où ils deviennent actifs en Suisse ou lorsqu’ils sont liés à des clients en Suisse. Il existe une période de transition applicable liée à l’obligation de s’affilier à un organe de médiation, c’est-à-dire jusqu'au 30 juin 2020 au plus tard (art. 95, al. 3, LSFin). L’organe de médiation est tenu d’accepter tout prestataire de services financiers concerné. Les prestataires de services financiers concernés par une demande de médiation adressée à un organe de médiation pour la résolution d’un litige sont tenus de participer à la procédure. Ils doivent donner suite dans les délais au mandat de comparution, aux invitations à prendr position et aux demandes de renseignements de l’organe de médiation (art. 78 LSFIN). Les prestataires de services financiers informent leurs clients de la possibilité d’une procédure de médiation par un organe de médiation lors de l’établissement d’une relation d’affaires dans le cadre de l’obligation d’information, en cas de refus d’un droit que fait valoir le client, et en tout temps, à la demande du client. L’information est fournie sous forme appropriée et comprend le nom et l’adresse de l’organe de médiation auquel le prestataire de services financiers est affilié.

Lorsque la LSFin entrera en vigueur en 2020, les participants au marché suisse seront confrontés à de multiples nouvelles obligations. Certaines de ces obligations devront être remplies par les nouveaux services publics. Les services suivants sont au centre de cette nouvelle loi :

  • L’organe de contrôle des prospectus conformément à l’art. 35 LSFin : en Suisse, deux organes de contrôle des prospectus seront probablement proposés par les deux bourses suisses : SIX Swiss Exchange et BX Swiss.
  • Le registre des conseillers conformément à l’art. 22 LSFin : il devient évident qu’il y aura également de multiples prestataires dans ce domaine. Par exemple, dans ses commentaires concernant l’OSFin, BX Swiss a annoncé publiquement qu’elle demanderait à la FINMA d’obtenir une licence afin d’exercer en tant que registre des conseillers.
  • L’organe de médiation conformément à l’art. 74 LSFin : pour compléter le service de médiation existant destiné aux banques suisses, il existera probablement au moins un autre organe de médiation suisse pour les prestataires de services financiers, et ce, à partir de 2020.
Résumé
  • La nouvelle loi sur les services financiers (LSFin) réglementera pour la première fois de manière exhaustive la prestation de services financiers depuis la Suisse ou de l’étranger vers la Suisse par des prestataires de services financiers non basés en Suisse à des clients en Suisse.
  •  Les prestataires de services financiers suisses et étrangers relevant du champ d’application de la LSFin devront se conformer pour la première fois à des obligations détaillées, telles que, sans aucune limitation, des obligations d’information, de classification, de comportement et de documentation.
  • Les conseillers à la clientèle des prestataires de services financiers suisses et étrangers ayant des clients basés en Suisse doivent pour la première fois être inscrits dans un registre des conseillers nouvellement créé et doivent être affiliés à un organe de médiation.
  • Le non-respect délibéré de ces obligations peut entraîner des amendes pouvant aller jusqu’à CHF 500 000, voire une enquête réalisée par l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) concernant l’exécution d’une activité illicite sur les marchés financiers.

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