Les essayeurs de métaux précieux face au nouveau cadre réglementaire pour le marché financier suisse

Silvan Thoma Director, Legal FS Regulatory & Compliance Services, PwC Switzerland 19 mars 2019

Comment se conformer aux futures obligations des institutions financières, à la loi sur le blanchiment d'argent et à la loi sur le contrôle des métaux précieux.

Les changements apportés par le nouveau cadre réglementaire imposé aux marchés financiers suisses vont impacter les essayeurs du commerce. Ils seront désormais placés sous la surveillance de nouvelles institutions, devront mettre en place des mesures organisationnelles et certains d’entre eux devront déposer une demande d’autorisation auprès de la FINMA. Cet article donne un aperçu de la façon dont les essayeurs du commerce sont intégrés au nouveau cadre réglementaire et ce qu’ils devront entreprendre pour se conformer à leurs nouvelles obligations.

Synthèse

Le nouveau cadre réglementaire fera la distinction entre les essayeurs du commerce négociant des métaux précieux bancaires et ceux qui ne négocient pas ce type de métaux précieux.

Les essayeurs du commerce négociant des métaux précieux bancaires devront :

  • En avertir l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers d’ici le 30 juin 2020 ;
  • Soumettre une demande à un organisme d’autoréglementation pour la lutte contre le blanchiment d'argent d’ici fin 2020 ;
  • Respecter les obligations et les exigences organisationnelles imposées par la nouvelle réglementation d’ici fin 2021 ; et
  • Déposer une demande d'autorisation auprès de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers d’ici fin 2021.

Les essayeurs du commerce qui ne négocient pas de métaux précieux et qui sont actuellement directement soumis à l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers devront :

  • Soumettre une demande à un organisme d’autoréglementation pour la lutte contre le blanchiment d'argent d’ici fin 2020.

Il est conseillé aux essayeurs du commerce de commencer à se préparer dans les meilleurs délais à ces changements afin d’éviter tout défaut de conformité et recadrage d’urgence de leur gouvernance d’entreprise.

Contexte

La nouvelle loi sur les établissements financiers (LEFin) s’intègre à une vaste réforme du paysage réglementaire des marchés financiers suisses. Cette loi et l’ordonnance s’y rapportant doivent entrer en vigueur le 1er janvier 2020. D'autres lois, telles que la loi sur le contrôle des métaux précieux (LCMP) et la loi sur le blanchiment d'argent (LBA), seront amendées par la LEFin.

Les essayeurs du commerce (Essayeurs du commerce en vertu de l’art. 41 et suiv. LCMP (All. : « Handelsprüfer », Fr. : « essayeurs du commerce », It. : « Saggiatori Del Commercio »)) sont des intermédiaires financiers au sens de la LBA (Art. 2, par. 3 let. C LBA). De telles sociétés sont souvent directement soumises à l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA). Ce statut d’intermédiaire financier directement soumis sera abrogé par la nouvelle réglementation des marchés financiers. En conséquence, les essayeurs du commerce devront soit s’enregistrer auprès d’un organisme d’autoréglementation (OAR) soit être autorisés par la FINMA et placés sous la surveillance d’un organisme de surveillance (OS). C’est l’activité économique de l’essayeur du commerce qui détermine laquelle des deux options s’applique.

Les deux types d’essayeurs du commerce

Le nouveau cadre réglementaire distinguera deux types d’essayeurs du commerce qui seront assujettis à des exigences différentes et seront placés sous la surveillance d’institutions différentes.

Le critère de distinction sera basé sur l’activité commerciale de l'essayeur du commerce (Activité économique indépendante exercée de façon permanente en vue d’obtenir un revenu régulier (art. 3 LEFin)), à savoir s’il négocie des métaux précieux bancaires. (Les métaux précieux bancaires sont : (i) des lingots et des granulés d’or titrés au minimum de 995 millièmes, (ii) des lingots et des granulés d’argent titrés au minimum de 999 millièmes, (iii) des lingots et des éponges de platine ou de palladium titrés au minimum à 999,5 millièmes (art. 178 OIF)) Aussi bien les essayeurs du commerce négociant de tels métaux eux-mêmes que ceux qui passent par l’intermédiaire d’une société de groupe remplissent ce critère.

Les OS superviseront les essayeurs du commerce négociant des métaux précieux bancaires. Être assujetti à la surveillance publique est la condition préalable pour être admis à la plupart des places de marchés de métaux précieux internationales, telles que la London Bullion Market Association (LBMA). Les places de marché de métaux précieux internationales devraient reconnaître les OS en tant qu’instance de surveillance publique. Par conséquent, il convient de garantir l’admission aux places de marché internationales.

Les essayeurs du commerce ne négociant pas des métaux précieux bancaires devront s'enregistrer auprès d’un OAR et ne seront pas placés sous la surveillance des OS. Ces OAR ne devraient pas être reconnues comme instances de surveillance publique par les places de marché internationales.

Les nouvelles exigences

Les exigences imposées aux essayeurs du commerce par la nouvelle réglementation financière diffèrent selon le fait que ceux-ci négocient ou non des métaux précieux bancaires.

Absence de négoce de métaux précieux bancaires
Les essayeurs du commerce (Art. 41, LCMP) entrant dans cette catégorie sont actuellement soit affiliés à un OAR, soit directement soumis à la FINMA. Dans le premier cas, ils peuvent demeurer affiliés à l’OAR concerné. Dans le second cas, ils devront s’affilier à une OAR afin de se conformer à la LBA. (Art 14 LBA et art. 2, par. 3 LBA telle qu’amendée par la LEFin) Cela nécessitera de leur part :

  • De soumettre un dossier de demande auprès d’un OAR ;
  • D’établir une politique en matière de LBA ;
  • De concevoir un processus d’intégration des clients incluant des vérifications de la connaissance du client (KYC) ;
  • De désigner les responsables des obligations en matière de lutte contre le blanchiment d’argent (responsable LBA et suppléant) ;
  • De nommer un auditeur LBA.

Les essayeurs du commerce qui ne sont pas actuellement affiliés à un OAR, mais qui sont directement soumis à la FINMA peuvent exploiter leur cadre de lutte contre le blanchiment d'argent existant. Cependant, le passage d’une subordination directe à la FINMA à une affiliation à un OAR nécessitera de modifier la documentation ainsi que les processus ayant trait à la lutte contre blanchiment d'argent. Chaque essayeur du commerce devra évaluer de son côté quel OAR il préfère, dans quelle mesure son dispositif de lutte contre le blanchiment d’argent en place répond aux exigences de cet OAR et quel auditeur LBA il souhaite désigner.

Négoce de métaux précieux bancaires
Les essayeurs du commerce négociant des métaux précieux bancaires (Art. 42bis LCMP telle qu’amendée par la LEFin) eux-mêmes ou par l’intermédiaire d’une société de groupe devront être autorisés par la FINMA et seront soumis à une surveillance permanente assurée par un OS (Art. 43a par. 1 Loi sur la surveillance des marchés financiers (LFINMA) telle qu’amendée par la LEFin). Une société de groupe négociant des métaux précieux bancaires d’un essayeur du commerce doit également demander une autorisation. Pour pouvoir être autorisé, un essayeur du commerce devra :

  • Établir des règles de gestion d'entreprise adaptées ;
  • S’organiser de manière à être en mesure de remplir ses obligations légales ;
  • Identifier, mesurer, contrôler et surveiller les risques et organiser les contrôles internes en conséquence ;
  • Être efficacement géré depuis la Suisse (Les directives générales et les décisions dans le contexte de la surveillance à l’échelle du groupe sont exclues si l’essayeur du commerce appartient à un groupe financier assujetti à une supervision consolidée appropriée.) ;
  • Fournir des garanties de conduite des affaires irréprochable
  • Conserver un montant de fonds propres minimal de 100 000 CHF entièrement versé en espèces (Art. 34b et suiv. projet d’OIF tel qu’amendé par le projet d’OSFin).

Les participants qualifiés (Les participants qualifiés sont des personnes détenant directement ou indirectement 10% du capital ou des droits de vote, ou qui sont en capacité d’influencer de façon significative l’activité économique d’une autre manière.) d’un essayeur du commerce et les personnes en charge de son administration ou de sa gestion sont assujettis aux exigences énumérées ci-dessous.

  • Les personnes en charge de l'administration et de la gestion devront :
    • Fournir des garanties de conduite des affaires irréprochable ,
    • Bénéficier d’une bonne réputation et disposer des qualifications spécialisées requises pour leurs fonctions.
  • Les personnes en charge de la gestion devront en sus :
    • Etre résident de l’endroit où ils seraient susceptibles d'exercer efficacement cette gestion ;
  • Les participants qualifiés devront :
    • Bénéficier d’une bonne réputation et s'assurer que leur influence ne compromette pas une activité économique saine et prudente. (Art. 34c et suiv. projet d’OIF tel qu’amendé par le projet d’OSFin)

La demande d’autorisation de l’essayeur du commerce devra établir que les critères indiqués ci-avant sont respectés.

Une fois autorisés, les essayeurs du commerce devront :

  • Avertir la FINMA en cas de changement des faits sur lesquels l’autorisation est basée ;
  • Demander l’autorisation préalable de la part de la FINMA en cas de changement important (Art. 34a projet d’OIF tel qu’amendé par le projet d’OSFin).
Chronologie

Il est conseillé aux essayeurs du commerce de commencer à se préparer dans les meilleurs délais aux changements réglementaires afin d’éviter tout défaut de conformité ou des recadrages d’urgence de leur gouvernance d’entreprise.

La LEFin et les amendements de la LBA et de la LCMP en découlant, ainsi que les ordonnances respectives devraient entrer en vigueur le 1er janvier 2020. Les dates indiquées ci-dessous sont basées sur cette hypothèse.

Absence de négoce de métaux précieux bancaires
Les essayeurs du commerce ne négociant pas de métaux précieux bancaires et actuellement affiliés à un OAR peuvent rester avec cet OAR. Les essayeurs du commerce directement soumis à la FINMA devront soumettre une demande à un OAR en 2020. Entre-temps, l’activité économique pourra se poursuivre jusqu’à ce que l’OAR statue sur la demande (Art. 42 LBA telle qu’amendée par la LEFin). L’OAR vérifiera si l’essayeur du commerce s'est conformé à ses obligations en vertu de la LBA depuis le dernier audit FINMA (Dispositions provisoires du projet d’OBA tel qu’amendé par le projet d’OSFin).

Négoce de métaux précieux bancaires
Les essayeurs du commerce négociant des métaux précieux bancaires et affiliés à un OAR devront rester affiliés à cet OAR jusqu’à ce qu’ils soient placés sous la surveillance d’un OS et autorisés par la FINMA. Ces essayeurs du commerce devront :

  • En avertir la FINMA d’ici le 30 juin 2020 ;
  • Respecter les obligations imposées par la LEFin d’ici fin 2021 ; et
  • Déposer une demande d'autorisation auprès de la FINMA d’ici fin 2021.

Entre-temps, l’activité économique pourra se poursuivre jusqu’à qu’une décision soit prise concernant la demande (Disposition finale de la LCMP telle qu’amendée par la LEFin).

Le même principe s’applique aux essayeurs du commerce négociant des métaux précieux bancaires directement soumis à la FINMA. Par ailleurs, ces essayeurs du commerce devront sans doute s’affilier temporairement à un OAR avant d’être soumis à la surveillance d’un OS. La supervision transitoire par un OAR peut être évitée si l’essayeur du commerce :

  • Reçoit la confirmation qu’il sera placé sous la surveillance d’un OS d’ici fin 2020 ; et
  • Dépose une demande d'autorisation auprès de la FINMA d’ici fin 2020.

L’OS vérifiera si la due diligence en vertu de la LBA a été respectée depuis le dernier audit FINMA. (Disposition finale du projet d’OIF tel qu’amendé par le projet d’OSFin)

Absence d’exigence concernant un registre des conseillers à la clientèle ou un ombudsman

Toutefois, les essayeurs du commerce ne sont pas des prestataires de services financiers et, de ce fait, ne doivent pas être enregistrés au registre des conseillers à la clientèle conformément à la LSFin et ne doivent pas être inscrits auprès d’un ombudsman. Les offres publiques d’or bancable et non bancable ne requièrent pas toujours l’émission d’un prospectus nécessitant un examen par l’office des prospectus suisse.

Nos services

Nous conseillons de nombreux traders en matières premières « dures » concernant les aspects juridiques et réglementaires et bénéficions d’une expérience étendue dans les domaines requis pour aider votre société à s'adapter aux changements réglementaires à venir.

Afin de vous aider à vous conformer efficacement aux nouvelles obligations, nous offrons notamment les services suivants :

  • Dépôt de la demande d'autorisation auprès de la FINMA, communication avec les autorités, préparation des réunions ;
  • Dépôt d’une demande d’OAR ou d’OS et conseil sur la documentation requise et de justification, mise en place d’un processus de lutte contre le blanchiment d’argent solide ;
  • Établissement des règles de gestion d'entreprise obligatoires ;
  • Conseil pour identifier, mesurer, contrôler et surveiller les risques et organiser les contrôles internes en conséquence ;
  • Conseil sur les exigences minimales de fonds propres.

Chacun de ces services s’adaptera aux besoins spécifiques de votre société de manière à garantir une transition fluide et efficace en vue de vous conformer à vos nouvelles obligations réglementaires. Pour toute question, n'hésitez pas à nous contacter.

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Silvan Thoma

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