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TVA – Éléments que les entreprises doivent prendre en compte au sein de l’Union européenne

Julia Sailer
Directrice, TVA, PwC Suisse

De nombreuses entreprises suisses vendent leurs marchandises et fournissent leurs prestations de service au sein de l’Union européenne. Elles doivent donc s’interroger si leur activité commerciale dans l’Union européenne peut avoir des conséquences en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Le système (transfrontalier) de TVA au sein de l’Union européenne est considéré comme compliqué et sensible aux fraudes. L’ écart de TVA, c.-à-d. la différence entre les recettes de TVA escomptées et celles réellement perçues par les pays membres de l’Union européenne, s’élevait en 2016 à environ 148 milliards d’euros. Chaque année, les fraudes à la TVA représentent à elles seules un manque à gagner d’environ 50 milliards d’euros pour les États de l’Union européenne. Celle-ci a annoncé de nombreuses nouvelles mesures pour soulager les tâches administratives des entreprises et prévenir les fraudes à la TVA. Voici un aperçu des principales mesures.

Mesures immédiates pour améliorer le système de TVA

Le chemin menant à un système de TVA définitif est long et difficile. D’ici-là, la Commission européenne a présenté quatre mesures immédiates visant à améliorer, dans l’intervalle, le fonctionnement du système de TVA. Les États membres de l’Union européenne doivent transposer ces mesures dans leur législation nationale en matière de TVA d’ici au 1er janvier 2020. C’est pourquoi les entreprises ayant des activités transfrontalières avec l’Union européenne doivent agir rapidement. Voici quelques-unes des mesures immédiates :

  • Harmonisation de la réglementation en matière de TVA applicable aux stocks en consignation
  • Réglementation uniforme contribuant à savoir comment la livraison intracommunautaire (exonérée) de marchandises est définie dans une opération en chaîne
  • Harmonisation des réglementations sur la preuve du transport transfrontalier de marchandises (point essentiel pour l’exonération de la TVA lors de livraisons intracommunautaires)
  • Clarification que l’indication du numéro d’identification TVA sur la facture constitue une condition matérielle à l’exonération de la TVA pour les livraisons intracommunautaires

La Commission avait initialement prévu de n’autoriser ces simplifications qu’aux entreprises présentant le statut d’« assujetti certifié » (voir ci-dessous).

Contrairement à ce qui était prévu au départ, les mesures immédiates ne sont plus rattachées au statut d’assujetti certifié. Elles peuvent aussi s’appliquer à des entreprises ne bénéficiant pas de ce statut, comme c’est le cas, par exemple, des entreprises suisses.

Pour les entreprises suisses, qu’impliquent les mesures immédiates destinées à améliorer le système de TVA pour les entreprises ?

  • Aucun traitement défavorable par rapport aux entreprises sises dans l’Union européenne
  • Aspects juridiques, par ex. modifications contractuelles
  • Selon les situations, l’harmonisation des règlementations en matière de dépôts en consignation peut engendrer des simplifications, voire une suppression des immatriculations à la TVA.
  • Adaptation des processus/recherche fiscale dans le système SAP

Système de TVA définitif

Le négoce transfrontalier dans l’Union européenne repose sur un système transitoire qui existe depuis 1993 et qui, faute d’un accord entre les États membres de l’Union européenne, n’a pas pu être remplacé par une solution définitive. Le système est compliqué et sensible aux fraudes. L’implémentation d’un système de TVA définitif reste l’un des objectifs de la Commission européenne. En 2017, cette dernière a présenté les principes d’un tel système. Dans un premier temps, les livraisons doivent être soumises à la TVA du pays de destination. Ensuite, le principe du pays de destination doit être applicable à toutes les prestations de service.

Concrètement, la proposition de la Commission européenne est fondée sur les piliers suivants :

  • Les livraisons transfrontalières de marchandises provenant d’un État membre de l’UE dans un autre État : Le système actuel comportant deux concepts pertinents en matière de TVA (la livraison intracommunautaire et l’acquisition intracommunautaire) est remplacé par un seul et unique concept : la « livraison intra-Union ». Elle est soumise au lieu de destination de la TVA.
  • Dans le cas de telles « livraisons intra-Union », le fournisseur est en principe redevable de la TVA. Contrairement à la situation actuelle, ceci ne déclenche pas une obligation d’immatriculation à la TVA de la part du fournisseur dans le pays de destination. Le fournisseur peut déclarer la TVA due auprès d’un « guichet unique » (voir ci-dessous) et s’en acquitter auprès des administrations fiscales de son pays de résidence.
  • Si l’acquéreur des biens dispose du statut d’assujetti certifié (voir ci-dessous), celui-ci est autorisé à déroger au principe et facture la TVA selon le mécanisme d’autoliquidation (ou mécanisme de « reverse charge »). Dans ce cas précis, le fournisseur ne facture aucune TVA. Ce mécanisme offre à l’acheteur un certain avantage de trésorerie : s’il est pleinement autorisé à déduire la TVA en amont, il peut faire valoir en même temps la TVA due comme impôt préalable.

Guichet unique

Le principe du mini-guichet unique (« Mini One Stop Shop ») est étendu. Ce portail en ligne est également accessible aux entreprises qui fournissent des marchandises de façon transfrontalière dans le cadre d’échanges inter-entreprises. Le principe du guichet unique étendu permet aussi de faire valoir l’impôt préalable. Les entreprises tierces, et donc les entreprises suisses, doivent passer par un intermédiaire (« Intermediary ») pour pouvoir utiliser le guichet unique.

Assujetti certifié

Par ce terme, la Commission désigne les entreprises sises dans l’Union européenne (domicile ou siège d’un établissement) qui sont en mesure de prouver qu’elles répondent aux critères suivants : règlement régulier des impôts et taxes, application de contrôles internes et attestation de solvabilité financière. Sur demande auprès des autorités fiscales nationales, le statut d’assujetti leur est certifié et, selon la proposition de la Commission européenne, elles sont considérées comme des contribuables fiables susceptibles de bénéficier de certains avantages dans le cadre du négoce transfrontalier. Lorsque le demandeur est un assujetti ayant obtenu le statut d’opérateur économique agréé à des fins douanières, les critères de l’assujetti certifié sont réputés être satisfaits.

Aux termes de la proposition actuelle, les entreprises suisses ne disposant pas d’un siège social au sein de l’UE ne peuvent pas obtenir le statut d’assujetti certifié pour le système de TVA définitif et ne peuvent donc pas bénéficier des simplifications y afférentes. Il faut donc attendre de voir si l’AFC souhaite conclure un accord bilatéral avec l’UE offrant également aux entreprises suisses le statut d’assujetti certifié.

Quels sont les avantages du statut d’assujetti certifié au quotidien ?

En qualité de clientes, les entreprises disposant du statut d’assujetti certifié pour l’acquisition de marchandises transfrontalières profitent du fait qu’elles ne règlent pas la TVA aux fournisseurs, qu’elles n’ont donc pas à la faire valoir au titre de l’impôt préalable et qu’elles peuvent la compenser directement via le mécanisme d’autoliquidation. Ce mécanisme offre un net avantage en termes de trésorerie.

Dans ce contexte, il est important de prévoir le transfert de la dette fiscale à l’acquéreur en tant que mesure transitoire dans le plan d’action sur la TVA de l’UE. En ce qui concerne la deuxième étape de la mise en œuvre du système de TVA définitif par l’UE, l’objectif consiste à garantir que les fournisseurs soient toujours redevables de la TVA sur les livraisons et les prestations de services transfrontalières.

En tant que fournisseur, le statut d’assujetti certifié ne semble pas conférer d’avantages par rapport au système de TVA définitif et à la nouvelle imposition applicable aux de livraisons de marchandises transfrontalières. Le fournisseur doit systématiquement vérifier le statut du client puis établir la facturation avec ou sans TVA selon le statut du client. Ne pas disposer du statut d’assujetti certifié n’implique pas que le fournisseur a davantage besoin d’une immatriculation de TVA.

Il était initialement prévu que le système de TVA définitif entre en vigueur au 1er juillet 2022. Toutefois, des désaccords portant sur des points essentiels persistent entre les États membres de l’UE. L’adoption des mesures proposées exige toutefois l’unanimité. Suite à l’élection d’un nouveau Parlement européen en mai 2019, la nouvelle Commission européenne va réexaminer toutes les possibilités pour mettre en œuvre ce principe fondamental dans l’optique de soumettre les livraisons de marchandises transfrontalières à la TVA dans l’État de destination. Une entrée en vigueur en 2022 semble peu réaliste. Nous ne manquerons pas de vous informer en temps utile des prochaines évolutions.

Mesures applicables aux ventes à distance de biens

En 2015, de nouvelles dispositions relatives au lieu de l’exécution des prestations « BTE » (prestations dans le domaine des télécommunications, de la radiodiffusion et des services électroniques) sont entrées en vigueur. Parallèlement, le mini-guichet unique a été créé pour les entreprises sises dans l’UE afin de facturer la TVA sur ces prestations. Grâce au catalogue des mesures visant les ventes à distance de biens, l’UE poursuit la voie empruntée des simplifications, notamment pour les PME. Ces mesures doivent permettre à ce que la part de l’écart de TVA, qui s’élève approximativement à cinq milliards d’euros et provient de la TVA non déclarée dans le domaine des ventes à distance de biens, soit allouée aux budgets des États membres. Le catalogue des dispositions portant sur les ventes à distance de biens concerne toutes les entreprises qui fournissent des prestations de services électroniques ou qui vendent des marchandises par correspondance, par ex. par le biais d’une plateforme électronique.

Depuis le 1er janvier 2019, des règles de simplification s’appliquent aux petites et micro-entreprises concernant le lieu d’exécution et l’établissement de la preuve pour la détermination du pays de résidence du client final.

D’autres mesures, pour lesquelles les systèmes informatiques nécessitent des modifications et exigeant par conséquent un plus long délai de mise en place, seront applicables à compter du 1er janvier 2021 :

  • Extension du mini-guichet unique à d’autres prestations de service (le « MOSS » devient un « OSS »)
  • Ouverture d’un guichet unique pour les chiffres d’affaires des ventes à distance intracommunautaires.
  • Ouverture d’un guichet unique pour les livraisons de marchandises provenant de pays tiers à destination de consommateurs dans l’UE : l’exonération pour les importations de faible valeur est supprimée. Les petits envois sont également soumis à la TVA au sein de l’UE. Pour les biens soumis à des droits d’accises et les biens d’une valeur supérieures à 150 euros, une déclaration complète en douane est exigée. Toutes les autres importations peuvent être déclarées via un guichet unique d’importation (« Import One Stop Shop » ou « IOSS »), respectivement via une procédure de douane simplifiée (notamment dans un bureau de poste ou une société privée d’expédition). Les entreprises non sises dans l’UE, à l’exception de certains cas, doivent faire appel à un intermédiaire (« Intermediary ») pour l’utilisation d’un guichet unique d’importation.
  • À compter du 1er janvier 2021, certaines obligations n’incomberont plus uniquement aux fournisseurs. Dans certains cas, les entreprises exploitant une interface électronique telle qu’une place de marché ou une plateforme seront considérées comme ayant acheté des biens auprès du fournisseur (livraison B2B) puis les ayant revendus au consommateur final (livraison B2C) alors que ces biens ont été commandés par le consommateur final via la place de marché. Ces dispositions s’appliqueront à l’importation de biens d’une valeur ne dépassant pas 150 euros, en provenance d’un pays situé en dehors de l’UE et à destination de l’UE, ainsi qu’aux ventes à distance de biens au sein de l’UE par des fournisseurs non-résidents (par ex. les marchandises d’une entreprise suisse qui sont envoyées au consommateur final depuis l’entrepôt situé dans l’UE). Pour la livraison au consommateur final, l’exploitant de la place de marché ou de la plateforme doit facturer la TVA au taux d’imposition du pays de destination. Dans de telles situations, les guichets uniques (d’importation) permettent de simplifier les tâches administratives. Toutefois, ce règlement représente un changement majeur pour les entreprises qui vendent des marchandises via une plateforme, mais également pour les exploitants des plateformes eux-mêmes.

Les entreprises exerçant des activités commerciales dans l’Union européenne vont être confrontées à de nombreux changements au cours des prochaines années. Les entreprises concernées doivent rapidement s’interroger à savoir, si et dans quelle mesure elles seront affectées par les nouvelles réglementations à compter du 1er janvier 2020 et, le cas échéant, adopter rapidement les mesures requises à leur mise en œuvre.

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